Avec une langue mordante à la belle parole après avoir écrit une page dans l’histoire du football féminin sénégalais, la capitaine de l’Equipe Nationale Féminine du Sénégal a un message pour TOUT LE MONDE !
Plein d’enthousiasme et d’euphorie. C’est ainsi que nous avons parlé à Safietou Sagna, joyeuse après avoir réalisé un gros tacle pour l’histoire. La milieu de terrain et capitaine de l’Equipe Nationale Féminine du Sénégal est allée avec son équipe jusqu’en quarts de finale de la CAN Féminine 2022, au Maroc. Eh bien, la première fois que le Sénégal atteigne ce stade dans cette compétition. Dans les locaux de Wiwsport, le lieu principalement choisi, la Casamançaise revient sur ce parcours mais pas que ça…
Bravo pour ce parcours historique… Parlez-nous-en un peu !
C’est toujours un plaisir de reparler de cette CAN. Comme vous le savez, on a été éliminées en quarts de finale. Mais, avant d’aller à cette compétition, aucun Sénégalais ne nous attendait à ce stade. Beaucoup disaient que nous y allons pour apprendre. Mais nous étions conscientes de nos capacités et le travail que nous avions fait avec notre staff. Nos ambitions étaient de se qualifier pour le second tour et pour la Coupe du Monde. Nous étions conscientes de nos talents et de notre travail.
Quelles ont été les clés pour en arriver là ?
Le travail. Si vous regardez, je suis dans l’équipe depuis longtemps, j’ai fait 10 ans en Equipe Nationale. Depuis deux ans, nous sommes en regroupement perpétuel afin de se préparer au mieux. On a beaucoup travaillé ces deux dernières années, je peux dire depuis le dernier tournoi UFOA. De plus, la Fédération a donné les moyens, contrairement auparavant. C’est seulement le travail qui nous a permis d’en arriver là.
Que signifie ce parcours pour vous et vos coéquipières ?
C’est un sentiment de satisfaction et de fierté qu’on nous cite aujourd’hui parmi celles qui ont écrit une page de l’histoire du football féminin sénégalais. C’était une de nos motivations avant chaque match… On s’est battues ensemble pour en arriver là.
Le sélectionneur a dit que le Sénégal fait maintenant partie des grandes Nations africaines… Et, selon vous, à quel niveau se situe maintenant le Sénégal par rapport aux grandes sélections en Afrique ?
La différence n’est autre chose que le travail. Les autres nations sont en avance par rapport au travail. Le Cameroun, le Nigeria, par exemple, jouent dans les grandes compétitions depuis longtemps. Cela manquait au Sénégal. On ne jouait pas beaucoup de matches amicaux. D’un autre point de vue, maintenant, dans le football moderne, toutes les équipes se valent. Rappelez-vous de la dernière CAN masculine, personne ne voyait la Gambie réussir ce parcours-là (atteindre les quarts de finale pour sa première participation). Aujourd’hui, c’est le même cas dans le foot féminin. Il faut y croire parce qu’on a l’équipe qu’il faut. Des nations encore devant le Sénégal ? L’Afrique du Sud qui est Championne d’Afrique, le Nigeria ou encore le Cameroun qui sont devant nous au classement FIFA. Mais on continue le travail et on espère atteindre ce cap.
Quelle partie vous rend le plus fière dans ce parcours ?
Notre match contre la Zambie (en quarts de finale). Malgré l’élimination, on a fait un grand match, dominé presque toute la rencontre, mais on ne pouvait pas faire plus pour passer. Ce qui nous a manqué dans ce match-là ? Un brin de concentration au dernier moment, lors des tirs au but. Par exemple, contre la Tunisie (en match de classement), on était beaucoup plus concentrées par rapport au match contre la Zambie. On ne s’attendait vraiment pas à aller aux tirs au but. On était prêtes à gagner dans le temps réglementaire.
Quelles différences voyez-vous entre le football féminin aujourd’hui et quand vous avez commencé ?
Il y a une nette évolution. Tout d’abord, la Fédération s’intéresse maintenant beaucoup plus au foot féminin. De plus, le peuple sénégalais suit beaucoup plus maintenant ce sport. Au paravent, le foot féminin n’était pas si médiatisé, puis on jouait à une certaine heure, par exemple le matin ou en plein midi. Aujourd’hui, la Fédération dépense pas mal de moyens et quelques clubs sont en train de payer les joueuses. Le football féminin a vraiment évolué par rapport aux dernières années. Pourquoi on se mettait à jouer à cette heure-ci ? De la passion. On ne se plaignait de presque rien. On jouait sans être payées. Même pour laver nos habits, on devait s’acheter de quoi. Ce n’était pas facile mais on y croyait et on avait en nous cette passion.
Vous avez un groupe relativement jeune, jusqu’où espérez-vous aller ?
Être parmi les meilleures nations. Comme vous le dites, on a un groupe jeune. Il y en a des U20, U17… On était parmi les équipes les plus jeunes lors de la CAN. On a ce potentiel pour faire partie des meilleures nations africaines. C’est bien possible d’entendre le nom du Sénégal aux côtés du Nigeria.
On peut compter sur ce groupe pour la qualification au Mondial ?
Bien sûr ! Alhamdoulilah qu’on se soit qualifiées pour les barrages. On va travailler et bien se préparer pour être plus prêtes pour ce tournoi. On espère se qualifier à la Coupe du Monde.
Une idole dans le football féminin et masculin ?
Elle s’appelle Khady Fall Sall (35 ans, ancienne milieu de terrain des Aigles de Médina et ancienne) internationale sénégalaise, NDLR). Je la salue de passage. Avant chaque match, elle m’appelle pour me donner des conseils. C’est mon idole. Si c’est elle qui m’a motivée à jouer au football ? Non, mais j’ai beaucoup appris d’elle. Qu’est-ce qui m’a alors motivé ? La passion. Je joue au foot depuis le bas âge. Je le pratiquais aux interclasses avec les garçons… Une idole dans le football masculin ? Laye Diallo, ancien joueur du Casa Sports.
Pendant la CAN, vous avez fait des révélations selon lesquelles il était compliqué de pratiquer le foot féminin à l’âge de jeunesse, vous deviez faire face aux exigences familiales… Et maintenant ?
Maintenant, ça a bien changé depuis longtemps même, depuis que j’ai reçu ma première sélection en Equipe Nationale, avant le décès de mon père.
Une anecdote dans votre famille…
Mon père ne me laissait pas jouer au football… Mais, un jour, ma grand-mère, tôt le matin au réveil, nous racontait ceci : « Hier nuit, j’ai rêvé voir Safie (Sagna) revenir de quelque part avec le drapeau du Sénégal en étant entourée de plusieurs personnes… ». Je n’oublierai jamais ça dans ma vie. Voilà, à mon retour de la CAN, j’ai été accueillie par plusieurs personnes. C’est donc quelque chose dont ma grand-mère avait vu avant son décès.
Beaucoup de joueurs de l’Equipe Nationale masculine vous ont-ils félicité ?
Oui ! Sadio Mané, Kalidou Koulibaly ou encore Krépin Diatta nous ont beaucoup encouragées.
Les supporters vous ont beaucoup poussé dans les stades pendant la CAN… Vous ressentez-vous le même soutien quand vous jouez à domicile, ici au Sénégal ?
Ça m’a beaucoup impressionnée. Après le Maroc, le Sénégal a été le pays qui comptait le plus de supporters pendant cette CAN. Je me disais même d’où est-ce qu’ils venaient tous ces gens-là. C’était comme si nous jouions au Sénégal. On n’était pas seules.
Un message à lancer aux Sénégalais après ce qui s’est vu au Maroc ?
Comme je l’ai dit tantôt, le football féminin n’était médiatisé. Beaucoup de personnes ont découvert notre équipe pendant la CAN. Pour certains, on allait à la CAN pour faire de la simple figuration. Mais c’est après la phase de groupes qu’ils ont cru qu’on avait cette équipe capable de faire quelque chose pour le foot féminin sénégalais. Je lance un appel aux Sénégalais : qu’ils nous soutiennent autant qu’ils soutiennent les garçons. Nous représentons le même pays, nous nous battons pour le même Drapeau.
Maintenant, après cette CAN, qu’attendez-vous des dirigeants, des autorités et des acteurs pour le développement du football féminin au Sénégal, au niveau des Clubs et à la Sélection ?
Que les dirigeants soient conscients que nous sommes des filles qui avons abandonnées les études et opté pour le football. Qu’ils continuent à nous pousser, à payer les joueuses pour qu’elles adviennent à leurs besoins. Il y a plusieurs footballeuses qui jouent pour des équipes mais qui ne sont pas payées. Il n’y a que quelques clubs qui payent parce qu’ils ne sont pas subventionnés. Bien sûr, nous sommes conscientes du travail de la Fédération, mais qu’elle en fasse plus.
Quelques mots sur le sélectionneur Mame Moussa Cissé…
C’est impossible de dire tout sur lui. C’est un père, un grand-père pour nous. Personnellement, je ne peux pas le remercier assez du fait qu’il m’ait confié le brassard de capitaine. Il ne m’a toujours pas dit pourquoi. Ce que je peux dire sur lui, c’est que je suis née le 11 avril et lui le 11 mai… C’est une histoire de chiffres. J’espère qu’il ne regrette pas de m’avoir confié le brassard de capitaine. Il est gentil, sympa et très humble. Il nous considère comme ses propres filles. Il transmet à l’équipe la même énergie qu’il transmet à sa famille. Chaque nouvelle arrivée dans l’équipe se sent comme dans sa propre famille. Il appelle tout le temps à une bonne ambiance dans le groupe. Nous le remercions.
Ton avenir en Club, vous allez rester à Bourges Foot 18 cette saison ?
On verra bien ce qui va se passer (rires). Des approches d’autres clubs ? Il y en avait avant même la CAN, donc imagines après… On discute, mais je m’arrête là avant que ceux de Bourges ne se fâchent contre moi (rires).
LA CAN de Nguénar Ndiaye et Mbayang Sow ?
C’est toujours un plaisir pour moi de parler de ces deux joueuses. Je suis tout le temps avec elles. On s’est retrouvées en sélection depuis 2011. On partage tous nos soucis. Elles ont marqué de leur empreinte cette CAN. Pour Coly (Mbayang Sow), il n’y a rien de surprenant avec elle. Elle est ce genre de footballeuse très teigneuse et rigoureuse. Tout comme Nguénar avec qui je joue dans le même Club, à Bourges. C’est une fierté pour moi qu’elles aient effectué une belle CAN.
Un message pour les petites filles qui rêvent de devenir footballeuse ?
Qu’elles croient en leurs rêves ! Comme le dit un proverbe wolof : « Kou yaag ci teen, baak dalaciy fekk ». Si elles continuent de croire en leurs rêves, elles auront la réussite qu’elles méritent. Elles n’ont qu’à se fixer des objectifs et à travailler.
En tant que femme, comment vous gérez votre carrière ?
Ce n’est pas facile d’être une femme et en même temps vouloir devenir footballeuse. Parfois, tu entends et lis des choses déplacées, des propos de genres « le football, c’est pour les hommes, les femmes doivent être à la cuisine ». On me le disait souvent dans ma région. Plus maintenant aujourd’hui parce que ceux-là ont fini par comprendre. Pourtant, être footballeuse ne t’empêche pas d’être une femme. Dans l’Equipe Nationale, il y a plusieurs joueuses qui se sont mariées. Ce sera bientôt le cas pour moi (rires)…
Avant de partir, un petit test : Avec quelle coéquipière iriez-vous en soirée ?
Avec Élodie ! C’est ma meilleure amie et mon ancienne coéquipière. Elle travaille maintenant au décathlon.
Qui anime le plus dans le vestiaire ?
Eva Neymar (Ndèye Awa Diakhaté) Rires ! C’est elle qui s’occupe de l’animation dans le groupe, avec Mama Diop. Ce sont les perturbatrices.
Qui se met le plus facilement en colère ?
Coly (Mbayang Sow) Rires ! Elle se fâche trop vite. C’est une Lionne trop chaude. Elle ne badine même pas à te frapper pendant le match. Elle laisse passer le moindre détail.
Qui vous énerve le plus ?
Jeanne Coumba Niang ! Elle me fatigue tout le temps.
Barça Féminin, Lyon ou Paris Saint-Germain ?
Mon équipe, c’est le Real Madrid, à 100% (rires) ! Mais entre le Barça Féminin, Lyon et Paris, je supporte Lyon.
Quelques mots pour Wiwsport et ses internautes…
Bravo ! Vous faites un très bon travailleur sur le foot féminin, sur le football local, et généralement, sur le football tout simplement. Je vous suis tout le temps. Vous développez le football.
wiwsport.com
* Titre source: Safietou Sagna : « Être footballeuse ne t’empêche pas d’être une femme ! »