Le projet de nouvelle Constitution au Mali renforce les pouvoirs du président et lui permet d’ordonner la mobilisation générale.
Le projet de nouvelle Constitution au Mali renforce les pouvoirs du président, lui permet d’ordonner la mobilisation générale dans ce pays déstabilisé par la violence, et relègue le français au rang de « langue de travail ».
Le président malien de la transition, le colonel Assimi Goïta qui avait pris le pouvoir par la force en 2020, a reçu le projet de la nouvelle constitution lundi. Il a défendu ce texte « majeur » comme le reflet des « aspirations profondes de notre peuple » et la manifestation d’un « renouveau démocratique ».
Il a assuré que les Maliens s’étaient exprimés « sans aucune entrave » sur son élaboration, dans un contexte où un certain nombre de partis et d’acteurs politiques ont remis en cause la teneur et même la nécessité d’une nouvelle Constitution, mais où toute contestation organisée est réduite à une expression minimale depuis des mois.
Le colonel Goïta faisait partie des officiers qui ont renversé la présidence civile en 2020.
Il n’a rien dit en revanche sur le calendrier d’adoption. Cette Constitution est un élément clé du vaste chantier de réformes invoqué par les militaires pour justifier leur maintien au pouvoir. Son adoption serait une étape importante dans le calendrier menant à des élections en février 2024 et à un retour des civils au pouvoir.
Dans le calendrier élaboré par la junte, cette Constitution était censée être soumise à un référendum le 19 mars. Mais le doute est grand sur le respect de cette échéance. « S’il reçoit l’onction populaire au cours d’un référendum, ce texte devrait régir l’organisation et le fonctionnement de l’Etat et de ses institutions », a simplement déclaré le colonel Goïta.
Le projet amende un avant-projet divulgué en octobre 2022. Le nouveau projet n’avait pas été publié officiellement mardi en début d’après-midi, malgré la volonté proclamée par le colonel Goïta de voir les Maliens se l’approprier. L’AFP a pu consulter le document. Il renforce les pouvoirs présidentiels, comme l’avant-projet de 2022, par rapport à la Constitution de 1992.
Dans la nouvelle Constitution, ce serait le président qui « détermine la politique de la Nation », et non plus le gouvernement; le président nommerait le Premier ministre et les ministres et mettrait fin à leurs fonctions.
« Le gouvernement est responsable devant le président », et non plus devant l’Assemblée nationale. L’initiative des lois appartiendrait au président et aux parlementaires, et non plus au gouvernement et à l’Assemblée nationale.
Amnistie des putschs
Par rapport à l’avant-projet de 2022, le nouveau projet rétablit le pouvoir du président de dissoudre l’Assemblée nationale.
Le président, qui serait élu pour cinq ans et ne pourrait effectuer plus de deux mandats, pourrait prendre des « mesures exceptionnelles » en cas de menace « grave et immédiate » contre le pays. Le nouveau projet introduit la possibilité pour le président d’ordonner la mobilisation générale, applicable à partir de 18 ans, sans qu’apparaisse clairement la situation dans laquelle une telle mobilisation s’imposerait.
Le Mali est en proie depuis 2012 à la propagation jihadiste et aux violences de toutes sortes. La junte a poussé vers la sortie les soldats français en 2022 dans un climat de grande acrimonie et s’est tournée militairement et politiquement vers la Russie.
Dans l’avant-projet de 2022 comme en 1992, le français était « la langue d’expression officielle », et les langues locales avaient vocation à devenir « langues officielles ». Dans le nouveau projet, « les langues nationales sont les langues officielles du Mali » et « le français est la langue de travail ».
Au Mali, où sont parlées des dizaines de langues, le français est utilisé dans l’administration, sur les panneaux de circulation, à la télévision d’Etat, mais très peu dans la rue à Bamako, et encore moins en brousse.
Le projet affirme que le Mali est une « République indépendante, souveraine, unitaire, indivisible, démocratique, laïque et sociale », alors que certaines voix avaient voulu remettre en cause le principe de laïcité.
Le texte écarte aussi l’hypothèse d’une fédération qui aurait conféré une forte autonomie au nord du pays, théâtre par le passé de rébellions touareg pour l’indépendance ou pour un statut particulier.
Il proclame tout coup d’Etat « crime imprescriptible ». Mais les putschistes de 2020 et 2021 seraient à l’abri puisque les faits antérieurs à la promulgation de la Constitution seraient couverts par des lois d’amnistie
AFP