Les désaccords entre les dirigeants des partis politiques participant au dialogue du ministère de l’Intérieur sur le dossier de la Commission Nationale Electorale Indépendante (CENI), dont le mandat a pris fin avec la démission ou la révocation de son président et de ses membres, à quelques mois du début de la première saison électorale après l’élection du président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, ont resurgi de nouveau.
L’homme politique et diplomate Mohamed Val Ould Bellal et ses dix compagnons « les sages » quittent le siège de la CENI après près de 5 ans de gestion du fichier électoral, dans des circonstances multiples et différentes, et avec une équipe formée à partir d’une composition politique, marquée par l’absence des plus importants partis d’opposition, en raison du refus de l’ancien président de leur présence dans cette structure sinon de l’intense rivalité politique entre les partis à l’époque.
Des missions multiples et des faibles moyens financiers
La loi régissant la CENI fixe un certain nombre de missions, notamment :
- Administrer, préparer, organiser et superviser le processus électoral,
- Veiller sur le bon déroulement du vote, sa régularité et sa transparence,
- Protéger le principe de l’égalité d’accès de tous les candidats en compétition aux organes officiels de la presse écrite et audiovisuelle,
- Participation à des campagnes médiatiques pour sensibiliser la population dans le domaine des élections,
- Prendre en concertation avec le gouvernement, les mesures nécessaires pour faciliter les missions des observateurs nationaux et internationaux invités,
- Pour atteindre ces objectifs, la CENI jouit d’une totale indépendance dans l’exercice de ses fonctions et ne reçoit d’instructions d’aucune autorité ou institution, qu’elle soit publique ou privée.
Malgré son indépendance, le choix des membres de la CENI se fait par décision directe du Président de la République, après proposition des parties concernées faite sur une liste de 22 membres.
La CENI sortante n’est pas restée à l’abri de critiques, puisqu’elle a été indexée de commission de représentation familiale de présidents et de proches des dirigeants de la scène politique qui y participent.
Alors que les représentants du RFD, de Tawassoul et de l’UFP ainsi que des autres partis d’opposition étaient absents de la composition de la Commission, la CENI a poursuivi sa mission dans des circonstances difficiles tout en étant indexée de faible expérience et d’incapacité à faire face aux pressions de l’ancien régime.
Des divergences croissantes au sein de la majorité et de l’opposition
Malgré l’accord des forces politiques pour nommer la nouvelle CENI avant le 31 octobre 2022, les divergences croissantes entre les deux partis risquent de compromettre ce délai, d’autant plus qu’elles paralysent, à la fois le travail de la majorité comme celui de l’opposition. Les principales propositions suscitant un débat sont :
- Procéder à la présentation d’une proposition au nom de la majorité et une autre au nom de l’opposition, suivant le processus traditionnel, pour le choix des membres de la CENI, avec la transmission de ces propositions au président de la République pour choisir la formation. Les principaux défenseurs de cette option sont les deux partis d’El Islah et l’Alliance Démocratique dirigé par Mohamed Ould Talebna et Yacoub Ould Moine,
- L’étape du choix progressif : cette option est requise par les partis du RFD, de l’UFP et certains partis majoritaires, et consiste à mettre en place une base de données qui comprend des CV et des données techniques garantissant l’obtention d’une liste qualitative des plus importantes élites et compétences nationales, pour procéder par la suite au tri d’une liste qui sera transmise au Président de la République pour désigner les membres du Comité des Sages à partir de cette liste
Parmi ces avis contradictoires, le dossier de la CENI demeure l’obstacle le plus saillant pour les partis politiques vis-à-vis de cette instance, la plus importante de la scène électorale.
Le choix de son président reste également un champ de concurrence entre les divers acteurs politiques, notamment au sein de la majorité. On parle de temps en temps de plusieurs noms présentés candidats ou éligibles à ce poste, dont à titre d’exemple :
- L’ancien président du Parlement Mohamed Ould Boilil,
- L’ancien Inspecteur d’Etat Sidi Ould Ahmed Deya,
- L’ancien ministre des Finances : Mohamed Ould El Abed,
- L’ancien ministre Sow Abou Demba,
- L’ancien ministre Cheikh Mohamed Ould Cheikh Sidiya,
- L’ancien Premier ministre Sghair Ould M’Bareck,
- L’ancien ministre de l’éducation Amadou Bocar Soko,
Des multiples difficultés d’organisation
Bien qu’elle avait été soutenue par une équipe de collaborateurs techniques et de quelques membres formés lors des précédentes élections, et pendant plus de 15 ans, sur les missions d’organisation des élections, l’expérience de ces éléments est restée en deçà du niveau souhaité, en raison de l’appartenance d’un grand nombre d’entre eux aux équipes d’administrateurs retraités au ministère de l’Intérieur, qui s’étaient habitués à adopter les élections de l’ère Ould Taya, lesquelles étaient entachées des violations évoquées.
A cela s’ajoute le lourd fardeau que représente l’organisation des élections dans les rangs de la diaspora ; ce qui complique davantage le processus électoral. Toutefois, la CENI tire profit d’une autre situation, plus confortable, qui réside dans le recul du nombre de partis politiques participant aux prochaines élections.
Il est certain que la référence de la nouvelle CENI doit être bâtie sur des éléments influents de l’élite mauritanienne réputés par leur force et leur honnêteté, d’éviter les auteurs des revendications factionnelles, régionales et communautaires, que le ministère de l’Intérieur lève sa mainmise sur la Commission, que tous veillent à éloigner les cadres et les retraités de l’Intérieur, afin que la CENI se mette debout sur ses jambes et prenne sa place définie par la loi, pour concrétiser les espoirs de l’électeur mauritanien, pour devenir garante de son vote et de ses choix….