Comme faisant partie du calendrier socio-politique de notre pays, la réforme de l’éducation est devenue un sujet recurrent. A chaque régime sa partition, il n’est donc pas étonnant que Ghazouani s’y mette à son tour pour tenter de ressusciter une école à l’agonie. Il est fort à parier que cette nouvelle entreprise sera vouée au même sort que les précedentes, tant la démarche est incohérente.
En effet, vouloir isoler la problématique de l’éducation nationale du contexte général qui a toujours prévalu en Mauritanie est assurément faire fausse route.
Certes l’école est en déliquescence, mais c’est aussi le cas de l’administration, la justice, l’économie…bref, c’est l’Etat qui est déliquescent dans son ensemble. Dés lors, il faudrait une approche globale qui s’inscrit dans une dynamique de refondation totale de notre pays. Il est illusoire de vouloir bâtir un îlot d’excellence dans un océan de médiocrité.
L’éducation n’est pas une fin en soi, mais un maillon d’un processus bien établi de construction d’un État aux normes bien définies, avec des citoyens qui adhèrent à certaines valeurs. En un mot, l’école est une tentative de matérialisation d’une certaine volonté. Les hautes autorités émettent une intention, transformée en plan, puis en programmes, enfin en objectifs que les enseignants essayent d’atteindre.
Une école de qualité découle d’une volonté politique clairement exprimée, sans arrières pensée hégémoniques, qui s’articule autour des questions suivantes. Quel savoir ? Avec quel savoir faire ? Pour quel savoir être? Autrement dit quel citoyen veut-on former, quel État veut- on bâtir et enfin quelle nation veut on fonder.
La Mauritanie est l’un des rares, sinon l’unique pays au monde ou l’école a produit exactement l’effet contraire. Supposée inculquer les vertus de la dure labeur, on y cultive le népotisme le plus primaire. Sensée raffermir l’unité nationale et la cohésion sociale, elle est le terreau du chauvinisme arabe. Au lieu de l’idéal républicain on y initie à l’hégémonie culturelle arabo-berbère.
Les rapports de ces concertations qui circulent ça et là font état de la détermination des autorités par le truchement de ses mandataires d’entériner la transcription des langues nationales négro-africaines en caractères arabes. Ce fait, s’il s’avère traduit d’une part la mauvaise volonté de l’Etat d’introduire ces langues dans le système éduactif et d’en faire des outils de communication et de travail dans notre pays, d’autre part un des derniers jalons du processus d’arabisation inéluctable des négro-mauritaniens.
Faut il rappeler que le Pulaar, le Soninke et le Wolof au delà de leur caractère national, ce sont des langues africaines, par conséquent la question de leur transcription, par soucis de cohérence et d’harmonisation doit être traitée à l’échelle continentale. C’est à quoi l’UNESCO s’est attelée depuis 1966 à la réunion du groupe d’experts pour l’unification des alphabets des langues africaines.
Plus récemment, à la rencontre de Niamey en 1978, toujours sous l’égide de l’UNESCO, les experts ont recommandé l’adoption de l’Alphabet Africain de Référence. C’est ce cadre et ce cadre seulement qui doit servir de canevas pour le traitement de nos langues nationales. La démarche cavalière à laquelle on assiste en Mauritanie équivaut à renoncer au système métrique pour adopter les mesures empiriques.
Il ne fait aucun doute que ces concertations, entrent dans le sillage des “réformes” de 1966 et de 1979 et ne visent qu’un seul but arabiser totalement le système éducatif national et d’assimiler culturellement les communautés négro-africaines du pays.
Abou Hamidou Sy
Secrétaire Général- FPC-Amérique.