Répondant à une question orale dans l’hémicycle mauritanien, le Ministre Kane Ousmane, chargé de l’économie et des secteurs productifs, se singularise, une nouvelle fois, en présentant une nouvelle approche de l’épineux dossier des terres de la vallée, depuis belle lurette, dans l’oeil du cyclone des régimes successifs travaillant à arracher les terres des mains de leurs propriétaires légitimes.
Monsieur Kane a beau présenté la nouvelle approche de novatrice et il faut bien le lui concéder car elle doit se traduire par une réforme agraire qui touchera toutes les terres arables de la vallée ployant sous les convoitises de plusieurs forces embusquées, déterminées à faire main basse sur la dernière richesse des populations noires de la vallée, écrasées par des politiques successives d’écartement et d’écartèlement.
Justifiant leur approche nouvelle, le Ministre, versant dans les subtilités dont le dessein est de Barber les populations concernées, a, fait rare pour un système politique vivant de coercition, reconnu que l’État avait toujours démissionné de son devoir régalien de soutien aux agriculteurs pour appuyer les opérateurs économiques du pays, atteints d’une boulimie irrépressible de terres. A mots couverts, le représentant du gouvernement ajoute que les bénéficiaires de l’appui de l’État se sont livrés, sans fausse honte, à de la spéculation foncière.
Curieuse innovation dans sa sortie, le Ministre évoque le partenariat tripartite regroupant l’État garant, les « riverains » et les investisseurs, qu’ils fussent nationaux ou venus d’autres cieux. Subtilement, cette autorité a introduit le terme « riverain » dans le glossaire de la vallée, vocable utilisée à dessein pour installer des colonies de peuplement, moyens idéaux pour exproprier indirectement les populations de la vallée.
La sortie du Ministre ne peut donc être lue que selon un seul prisme, celui de l’écartement systématique des populations noires de la vallée.
Cet État, à la mémoire décidément bien courte, ne peut tromper personne sur ses objectifs réels. Pour attirer les fonds des bailleurs, il fait de la tête et des pieds mais une fois sa soif d’argent assouvie, les fonds disponibilisés sont détournés. La Banque Mondiale l’a appris, à ses dépens, dans l’épisode de Koylal.
Le 19 Juin 2021, le Ministre Kane Ousmane, comme pour crédibiliser cette option étatique, déclarait, à Wuro Elimaan Abuu (Darel Barka), que l’État avait mobilisé, auprès de ses soutiens extérieurs, depuis 1974, la somme colossale de 550 milliards d’ouguiyas dédiée au seul secteur agricole. Compte n’est pas tenu des montants issus du budget étatique, des subventions et des prêts annulés.
Même l’actualité fraîche alerte sur les pratiques malsaines du régime dont Kane Ousmane est un défenseur invétéré. Dans le cadre du programme d’aménagement et de développement des oasis, le ministre de tutelle, Monsieur Adama bocar Soko, vient d’annoncer la réalisation de 60 puits artésiens, dans le but d’irriguer 150 mille palmiers.
On nous objectera que le Nord apporte une éminente contribution dans le développement de l’agriculture mais une telle réplique, aussi mordante fût-elle, ne saurait faire oublier l’oubli des terres de la vallée dans les financements accumulés. Par pure option discriminatoire, on a fait des ressources de la vallée le parent pauvre des politiques initiées par le Ministère plus enclin à favoriser d’autres zones, pour des motifs inavouables.
Après le génocide physique que Ould Taya exécuta avec une main d’orfèvre et un coeur d’airain, Ould Abdel Aziz, l’autre putschiste, initia, lui, le génocide biométrique en refusant aux citoyens noirs les marques de leur mauritanite. Avec leur détermination à s’accaparer des terres de la vallée, les autorités actuelles achèvent le travail raciste de longue haleine en instituant le génocide « agricole ».
Tous ces actes, minutieusement posés, tranchent d’avec l’inclusivite que Monsieur Kane a serine, tout au long de sa sortie. Slogan creux destiné à endormir, cette approche osmotique est ignorée au pays des dunes de sable où l’on travaille, depuis de nombreuses décennies et avec une constance remarquable, à gommer la panachure noire de cet État tampon entre l’Afrique subsaharienne et le Maghreb.
On comprendra donc l’absence de sérénité des cibles du pouvoir qui, par instinct de survie et conscientes que leurs terres restent les dernières marques de leur mauritanite, sont, aujourd’hui, tentées par tous les possibles. En poussant d’innocentes populations dans leurs derniers retranchements, en les poussant à jeter leurs derniers vaisseaux dans cette juste bataille de survie, le système raciste, qui régente la Mauritanie, a choisi l’instabilité et tous les risques qui en découlent.
Les populations noires de la vallée se battront pour préserver leurs terres, pour sauver leur existence sur le sol commun dont ils sont les « ineffaçables » premiers habitants.
En revenant encore planter sa sagaie sur la chair toujours ensanglantée de ses frères de la vallée, Monsieur Kane Ousmane conforte une vieille tradition, celle des nègres de service envoyés par le système pour faire passer les mesures les plus incongrues contre la vallée et ses habitants.
Seck Mame Diack, paix à son âme, joua cette ignoble partition avec la circulaire 002, comme d’autres, en 1993, qui furent les hérauts de causes et de mesures inintelligentes faisant encore tanguer le pays.
A cette liste de héros aux « bas faits », il faut, hélas, joindre les députés de la vallée et les hauts fonctionnaires, compromis jusqu’à la moelle et vivant des subsides chichement octroyés par le système et l’État qu’il organise.
Face à cette situation, les populations résisteront à toutes les expropriations et refuseront le piège du système visant à mettre en face d’eux leurs frères haratines auxquels on promet des terres à tire-larigot.
Une vigilence de tous les instants doit être de mise pour sauver ce pays du gouffre.
Cherif Ba
Natif du Gural Baaba Leñol
bamoctar20@gmail.com