La scène économique mondiale actuelle est marquée par une forte tendance des pays à former des blocs économiques régionaux, en raison des avantages que les fusions offrent pour l’expansion des marchés et des opportunités qu’elles offrent en matière de coordination des efforts à faire face aux défis de l’heure.
C’est le phénomène de l’intégration économique dans toutes ses dimensions. Les pays-membres de l’Organisation de l’Union Africaine (OUA) se sont appliqués à former une unité économique fondée sur les composantes religieuses, historiques et linguistiques qui les unissent. Mais malgré la profondeur historique de ces liens, l’accord d’Addis-Abeba qui a acté la naissance de l’OUA n’a pas porté tous ses fruits.
Sur le terrain, les économies de la région restent caractérisées par la fragmentation et les différences ; la croissance du marché libre échange reste la plus lente. Ainsi que le signalent les rapports des organismes spécialisés en ce domaine, les pays africains se situent au bas du classement mondial de la compétitivité internationale. Ils ont raté des opportunités significatives dans le domaine de l’accès à des postes avancés, à l’échelle mondiale, et, plus localement, de l’amélioration du bien-être de leur population respective. Cela dit, deux des avantages les plus marquants offerts par l’activation de l’intégration économique africaine dans le renforcement de la compétitivité internationale est peut-être l’opportunité offerte par la taille du marché africain – il dépasse le milliard de consommateurs – et l’attractivité, pour les investissements étrangers, de ses abondantes richesses naturelles.
De quoi booster la coordination dans la résolution des défis fondamentaux auxquels le continent est confronté et le renforcement de ses négociations au niveau international.
Des fondateurs visionnaires :
La vision des fondateurs de l’OUA exhortait déjà les États-membres à coordonner et intensifier la coopération et leurs efforts à offrir de meilleures conditions de vie aux peuples dont ils doivent tenir le gouvernail. Ces États avaient donc choisi d’exercer en commun leur destinée politique, économique et culturelle, fondée sur une réelle solidarité et une accélération du développement de leur économie respective. Le concept de l’intégration paraissait ainsi le plus adapté, d’autant plus que l’histoire de cette région du Monde est marquée par des conflits et des crises sanitaires.
Tout converge à dire que l’intégration africaine est un des moyens les plus efficaces, voire l’unique moyen, de réduire les handicaps les plus lourds des pays de ce continent : taille réduite des économies, enclavement, spécialisation excessive dans la production de matières premières, disparité des lois et dispositifs règlementaires dans le traitement des échanges commerciaux, absence de concertation en matière de politique économique, marginalisation dans les flux mondiaux des biens et capitaux, notamment.
Des initiatives en matière d’organisation d’intégration régionale ont été à cet égard mises en place afin de promouvoir la coopération économique dans toutes les régions de l’Afrique. Pour l’actuel président de l’OUA, monsieur Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, la centralité de l’intégration africaine est la condition sine qua non de l’aboutissement de la zone de libre-échange continentale africaine.
Évoquant le processus de l’indispensable réforme institutionnelle de l’Union, il a insisté sur l’importance de la crédibilité et la transparence du processus intergouvernemental, ainsi que le strict respect des principes de responsabilité, de compétence et de bonne gouvernance. La lutte contre tous les facteurs de division ou de perturbation de nature à entraver le bon fonctionnement de l’institution et impacter l’efficacité dudit processus lui paraît le défi majeur à relever.
Investir dans le capital humain : À cet égard, il serait judicieux de mettre l’accent sur l’impérieuse nécessité d’assurer le plein respect des principes de responsabilité et de bonne gouvernance administrative et financière au sein de la Commission de l’UA. Avec une attention primordiale à centraliser les efforts autour de l’éducation et de l’enseignement dans une vision commune de l’action continentale : aucun projet de développement ne peut aboutir sans un investissement préalable dans le capital humain. Il faut par ailleurs s’obstiner à lutter contre toutes les formes d’instrumentalisation politique des partenariats : elles ne servent pas les intérêts du continent africain et de ses citoyens.
Il est maintenant généralement accepté que le développement ne peut se réaliser sans démocratie véritable, respect des droits de l’Homme, paix et bonne gouvernance. Le continent a ainsi pris l’engagement de respecter les normes mondiales en matière de démocratie : pluralisme politique, société civile puissante, syndicats variés, organisation périodique d’élections démocratiques libres, justes et transparentes afin de permettre aux populations de choisir librement leurs dirigeants…
L’intégration africaine dans les domaines du commerce, des investissements et de la migration reflète l’évolution de la situation économique qui prévaut sur le continent.
L’enjeu consiste maintenant, pour notre président de la République et de l’UA, à déterminer comment maximiser les effets positifs de cette intégration sur le développement de l’Afrique. L’intégration régionale n’est en effet pas une fin en soi : elle devrait plutôt être considérée comme un premier pas vers l’établissement durable d’un climat propice aux investissements et à la compétitivité à l’exportation. Elle évoluera en fonction du respect des principes de la démocratie visant à instaurer partout des États de droit et sera affectée par les conflits politiques et la violence interrégionale. C’est à cette réalité que les pays africains doivent s’adapter, en adoptant une nouvelle approche du régionalisme en plus totale adéquation avec ces contingences.
CHEIKH AHMED OULD MOHAMED
INGÉNIEUR CHEF DU SERVICE ÉTUDES ET DÉVELOPPEMENT ÉTABLISSEMENT PORTUAIRE DE LA BAIE DU REPOS DE NOUADHIBOU.