Par rapport à Nani Ould Chrougha je peux dire en toute honnêteté deux choses. La première chose est que je ne le connaissais pas personnellement avant que ne lui soit confié le rôle de parole du gouvernement. La deuxième chose c’est que jusqu’à une date récente je ne l’aimais pas particulièrement. Pourquoi je ne l’aimais pas, je ne sais pas. Mais peut-être que, c’est parce que, comme d’ailleurs pour d’autres mauritaniens son nom dans le gouvernement sonne comme une fausse note. Peut-être un préjugé qui ne s’explique pas..
Beaucoup d’entre nous voyaient la reconduction Ould Chrougha dans le gouvernement de Ould Ghazouani comme une « réactivation » de la gabegie. Depuis qu’il a pris le témoin des mains de Ould Eyih, je le vois souvent dans des points de presse. Au début, je lisais à travers son comportement vis-à-vis des journalistes un homme parfois verbalement agressif et autoritaire. Peut-être que cela s’explique par une montée d’adrénaline chez lui, qui pourrait être déclenchée par le sentiment qu’il a, qui le laisse penser peut être, qu’à chaque point de presse, il fait face à certains journalistes qui ne l’aiment pas et des journalistes qui, même trois ans après le départ de Ould Abdel Aziz du pouvoir, voient en lui encore un très proche de l’ancien président qui est depuis quelques temps poursuivi par la justice pour des conflits multiples avec la loi.
Ould Chrougha, un nom qui « réverbère » une fausse image de sa personne.
Comme il est de tradition, le Conseil des Ministres s’était réuni le mercredi 05 avril 2023, sous la présidence de Son Excellence Mohamed Ould Cheikh El-Ghazouani. (le 10 ème président mauritanien à avoir cet honneur suprême de présider ce mythique conseil de ministres). Un conseil de ministres qui prend des décisions parfois importantes, parfois impopulaires.
Le conseil des ministres est toujours un événement très important. Très important aussi bien pour ceux pour lesquels il peut prendre des décisions. Ces décisions peuvent être parfois heureuses pour certains et parfois malheureuses pour d’autres.
Le Conseil des ministres généralement examine et adopte les projets de décrets qui lui sont soumis. Le conseil du mercredi 5 avril avait examiné et adopté deux projets décrets.
Le premier projet de décret avait fixé les modalités pratiques qui autorisent l’ouverture d’établissements pharmaceutiques habilités à importer et à distribuer les médicaments en gros.
Le projet de décret s’était référé à l’application des dispositions qui avaient modifié l’article 41 de la loi 2010-022 du 22 février 2010. Par l’adoption de ce décret, le conseil a donc décidé une nouvelle fois de mettre de l’ordre dans l’épouvantable désordre créé par une loi votée en 2010, dont l’un des articles permettait des importations de toutes sortes et de toutes natures.
Le second décret a fait de nouveaux heureux élus. Il avait nommé le Président et les Membres du Conseil d’Administration de l’Agence Mauritanienne de Sécurité Sanitaire des Aliments (AMSSA). Généralement, le renouvellement ou la nomination des membres des conseils d’administrations, est une décision que prend le conseil de ministres pour « recycler » des responsables ou des personnalités publiques qui ont jouées des rôles importants dans la vie de la nation au cours de leur carrière administrative ou politique.
Ce sont donc des personnalités « réactivées » par des régimes qui ne veulent pas ou ne peuvent pas les envoyer à la « casse » surtout lorsque ces personnalités sont issus de réservoirs électoraux importants et incontournables.
C’est pour parler des décisions prises par le conseil des ministres que le porte-parole du gouvernement Nani Ould Chrougha et deux autres ministres (Mokhtar Ould Dahi et Abdesselam Ould Mohamed Salem) avaient fait l’honneur aux journalistes pour leur donner d’amples explications sur les décisions prises et pour répondre à leurs questions.
Ce jour-là j’étais arrivé en retard, mais suffisamment tôt pour prendre note des interventions des trois ministres. Tout s’est passé dans le calme et dans le respect des uns (les journalistes) pour les autres (les ministres).
On était ce jour-là loin de l’atmosphère de certains points de presse passés, où parfois, au cours desquels, des petits « accrochages verbaux » ont eu lieu entre certains journalistes de bas de gamme et les ministres.
L’atmosphère était très conviviale. C’était presque le calme plat. Peut-être parce que les journalistes étaient plus concentrés sur ce qu’ils pourraient éventuellement « soutirer » aux ministres pour leurs ruptures du jeûne ce mois béni du ramadân.
J’étais très attentif à ce que disaient les ministres. C’est normal parce que je devais comprendre ce que chacun des ministres disait pour pouvoir l’exploiter. Je suis un journaliste peut être différent des autres. Je ne prends pratiquement jamais de notes mais je prends plutôt des repères dans les mots clés qu’emploient les ministres pour pouvoir reconstituer leurs interventions.
Face aux journalistes trois ministres potentiellement « pêchmerguables ».
Face à moi, j’avais trois ministres. Le ministre Nani Ould Chrougha porte-parole du gouvernement. Un ministre que je n’aimais pas particulièrement et je ne sais d’ailleurs pour quelle raison. Mais depuis qu’il est porte-parole du Gouvernement, chaque jour un peu plus j’ai de plus en plus de l’estime pour lui. Je dois avouer qu’il m’a envouté par sa gentillesse, sa courtoisie, sa simplicité et sa bonne éducation. Mais il m’a surtout envouté par l’intelligence avec laquelle il explique ce qu’il veut expliquer et passe sous silence ce qu’il veut passer sous silence.
Ce jour-là, j’avais trouvé un Ould Chrougha particulièrement calme. Beaucoup plus calme et posé que d’habitude. Sure de lui. Très clair et très précis dans les commentaires qu’il faisait et qu’il faisait avec une très grande maitrise. J’ai senti chez lui comme un « rebondissement » à la hausse de sa compétence et surtout de sa cohérence dans les propos.
Ould Chrougha, porte-parole du gouvernement n’est pas n’importe qui. Il porte sur ses épaules la lourde responsabilité de la quasi-totalité de la politique de mise en valeur des infrastructures de bases d’ordre prioritaires qui doivent concrétiser dans les faits les « Taahoudatys » de Ould Ghazouani. Le département de l’équipement pèse la bagatelle de 45 milliards d’ouguiyas anciennes. C’est cette odeur des billets de banque que dégage le budget de son département qui fait peut-être de lui le ministre le plus « prisé » par les journalistes qui se présentent aux points de presse le plus souvent, plus pour chercher ses faveurs que pour couvrir un événement.
De plus en plus j’écoute attentivement Ould Chrougha et de plus en plus ce ministre me donne l’impression de quelqu’un qui sait ce qu’il fait, qui sait ce qu’il doit faire et qui arrive à le faire dans un environnement rendu extrêmement difficile par certains hommes d’affaires véreux qui sont à la tête d’entreprises traditionnellement incontournables dans le domaine des marchés publics des BTP.
Au cours de ce point de presse du mercredi 5 avril j’avais face à moi aussi un autre ministre. Celui de la santé Moctar Ould Dahi. Derrière sa petite taille et son regard très sournois se cache le profil de compétence du premier responsable de l’un des départements les plus difficiles à gérer.
La petite taille du Ministre se perd entre des pharmaciens véritables trafiquants, des médecins peu coopératifs, un personnel médical ou paramédical impossible à gérer et il arrive quand même en s’en sortir. Le ministre Ould Dahi hérite d’un cumul de problèmes créés par ses prédécesseurs en d’autres circonstances qui rendent difficiles et étroites ses manœuvres pour asseoir une politique sanitaire qui s’adapte aux réalités du pays
Ould Dahi est le chouchou des journalistes. Longtemps resté porte-parole du gouvernement, il connait chacun des journalistes ou assimilés dans ses moindres détails. Ould Dahi était venu ce jour-là nous expliquer que l’article 41 de la loi 2010-022 du 22 février 2010 manquait d’éléments pour éviter les erreurs du passé commises dans la gestion des mécanismes de l’importation et de la commercialisation des médicaments en gros.
Et, il y’avait, le ministre du Pétrole, des Mines et de l’Énergie venu nous expliquer le sens et le contenu de la communication qu’il a faite relative à la gestion des instances du cadastre minier.
Cette communication, a dit le ministre, vise à apurer toutes les instances cadastrales, afin qu’à la fin de juin 2023, le cadastre minier puisse être ouvert au public, en toute transparence et en toute équité entre les différents opérateurs, sans discrimination et conformément aux dispositions légales et règlementaires en vigueur.
Abdesselam Ould Mohamed Saleh, ministre du pétrole et des mines, est un ministre qui a été très longtemps secoué violemment par des articles publiés par des journalistes de bas de gamme pour dénoncer certains accords conclus par sa signature entre notre pays et des multinationales dans le domaine de l’approvisionnement en hydrocarbures.
Je ne connais pas personnellement ce ministre. Mais au cours du point de presse auquel je fais référence (5 avril donc), le ministre qui est toujours sorti indemne de toutes les accusations qui ont été portées contre lui pour dénigrer le régime de Ould Ghazouani, m’a agréablement surpris quand à la fin de l’exercice qu’il s’était donné pour répondre aux questions des journalistes il avait conclu : « nous devons tous admettre que l’époque des prises de décisions hasardeuses et impopulaires est révolue. Le pays évolue maintenant dans un environnement international qui impose des règles que la Mauritanie est tenue de respecter ».
Je crois que ce que le ministre avait dit c’était bien dit. Surtout bien dit de la part d’un responsable qui jouit d’une très grande crédibilité morale qu’il hérite d’ailleurs d’une « généalogie administrative » de référence et d’une intégrité morale jamais démentie. Son défunt père était l’incarnation même des valeurs morales.
Et évidement comme d’habitude à la fin du point de presse, les peshmergas du bas de gamme de la presse présents s’étaient tous rués en direction des ministres pour essayer de leur soutirer des rendez-vous, rendez-vous au cours desquels généralement les ministres mettent les mains dans la poche.
Indicateurs de performances des ministres.
Je le dis sous serment et en toute indépendance. Je ne sais pas, mais ce mercredi 5 avril 2023, j’ai découvert trois ministres, (Ould Chrougha de l’équipement, Ould Dahi de la santé et Ould Mohamed Saleh) qui étaient extrêmement lucides, compétents et surtout très confiants dans la gestion administrative de leurs départements respectifs. Ces trois éléments semblaient porteurs de messages nouveaux qui essayaient de porter à notre connaissance que le régime de Ould Ghazouani est en train d’éradiquer les toutes dernières séquelles de la décennie de la gabegie. On sentait à travers les déclarations des trois ministres, une réelle volonté de rupture avec le passé du régime Ould Abdel Aziz.
Quand je sortais de la salle de point de presse, j’ai dit à un ami journaliste, que je commençais à découvrir chez Nani Ould Chrougha un sens de devoir et de responsabilité très poussés. Mais qu’aussi je découvrais surtout chez ce ministre une profonde sincérité dans ses propos et ses explications relatives aux décisions prises par les conseils des ministres.
Mon ami, qui entrait dans ses premières années du troisième âge, rongé par le « peshmerguisme » des ministres m’a dit : « Ould Chrougha est surtout très généreux ». Généreux, je savais que Nani Ould Chrougha était très généreux. Mais j’avais surtout constaté qu’il était un homme très bien éduqué et très courtois. J’ai dit à mon ami qui semblait avoir « encaissé » et par plusieurs répliques, que la compétence d’un ministre ne se mesure pas en termes de générosité. Ould Chrougha est généreux c’est vrai, beaucoup de gens le disent, mais il est surtout compétent et honnête et c’est bien ce qui fait la valeur intrinsèque d’un ministre.
Et j’avais ajouté (surtout pour blaguer) que : « Si la générosité était le seul facteur déterminant et l’indicateur de compétence, Monsieur Kane Ousmane le Ministre de l’Economie et du Secteur productif ne serait pas classé le ministre le plus performant du gouvernement actuel ».
Monsieur Kane est depuis son nomination classé par le sondage du Groupe de Presse Francophone de Mauritanie, le meilleur ministre du gouvernement et le ministre qui, depuis l’indépendance de ce pays, a assuré le rendement le plus élevé en termes de mobilisations des ressources pour le secteur productif.
Certains journalistes « spécialisés » dans la « cotation » de la générosité des ministres, le classent au bas du nombre des ministres les moins généraux. N’empêche cela ne lui enlève pas sa première place dans le classement des ministres les plus performants. Ce classement resté le même depuis 2019, donne Kane Ousmane (premier au classement). Il est suivi par le Ministre de la défense Hanana Ould Sidi, (2éme au classement) et Sid’Ahmed Ould Mohamed Ministre de l’habitat et de l’Aménagement du territoire (3 ème au classement).
J’ai essayé de faire comprendre à mon collègue journaliste qui est usé par la « chasse aux sous » que le baromètre qu’il utilise pour classifier les ministres est un baromètre qui ne jauge que les sentiments que certains journalistes nourrissent à l’égard de certains ministres. Cela n’a rien avoir avec la compétence et la performance.
Ce n’est un secret pour personne. Evidemment qu’il y’a des ministres à la fois très généraux et très compétents. Il y’a des ministres très compétents mais pas généreux du tout. Et il y’a des ministres qui à la fois ne sont ni généreux ni compétents. Mais ces critères ne sont pas pris en compte pour leurs confier des portefeuilles. Heureusement d’ailleurs.
Cette distinction est une classification faite par des journalistes de bas de gamme. Et, aussi, justement puisque nous y sommes, parmi ces journalistes qui classent les ministres par rapport à leur générosité, il y’a des « faux journalistes », des « vrais faux journalistes », des « faux vrais journalistes ». Et c’est peut-être pourquoi, Kane Ousmane, d’après un journaliste (ou un qui prétend l’être) s’était vanté une fois en disant : « je n’ai jamais reçu de journaliste dans mon bureau ».
C’est qui explique peut-être pourquoi, les journalistes le classent meilleur ministre dans une matière (compétence et compétence) et le dernier dans une autre ( la générosité). Ce qui peut être explique le flou que donnent certains journalistes de son image d’excellent ministre. Le meilleur de ce gouvernement.
Mohamed Chighali
Journaliste indépendant.