Dix-huitième jour d’un procès qui devient de plus en plus curieux. Je dirais même captivant par des révélations inattendues et plus surprenantes les unes que les autres. Ould Abdel Aziz est un voleur. C’est ce que certains hommes politiques, (des voleurs aussi), ont cherché à démontrer.
Ce qui donnait au départ l’impression d’une réelle volonté de faire toute la lumière sur les agissements incompatibles de l’ancien chef de l’Etat avec ses fonctions pour le détruirepolitiquement, semble accoucher d’un procès pour lequel les organisateurs et peut être même au-delà de ceux-ci, les « commanditaires », personne n’avait apparemment calculés les risques et les conséquences de la tenue d’un tel procès.
Au 19 ème jour de ce procès, véritable bombe à retardement,petit à petit il apparait clairement maintenant aux yeux des mauritaniens que tout le vacarme qui avait précédé la mise en accusation de l’empereur de des fortunes colossales et sa jetée manu-military derrière les grilles n’étaient que des moyens mis en œuvre pour chercher par des voies légales à détruire un homme devenu encombrant et qui était dans le collimateur d’hommes politiques notamment des sénateurs très mécontents mais également des officiers supérieurs agacés par l’arrogance d’un des leurs qui ne marquait plus le pas et « désertait » la caserne.
Toutes les affaires pour lesquelles Ould Abdel Aziz a été cité à comparaitre, l’incriminent. C’est une évidence. Une évidence étayée par des preuves réunies par des enquêteurs de la police celle-dite de « Ely Ould Mohamed Vall ». Une police que l’ancien président exploitait à son profit pour toutes sortes de missions extrajudiciaires mais qu’il négligeait complétement en la reléguant au second plan par rapport aux autres composantes des corps constitués.
Sur ce plan donc, au regard des charges retenues contre lui etau vu du volume des preuves et des pièces à convictions rassemblés, l’accusé Mohamed Ould Abdel Aziz ne peutapporter aucun démenti aux accusations portées contre lui. Il le sait parfaitement bien et il en est conscient, ses avocats aussi. Et, cela parce que simplement, si –comme dit le proverbe -tous les chemins mènent à Rome-, dans ce procès toutes les preuves réunies en rapport avec chacune des affaire mènent à Aziz soit directement soit par personne interposée.
Des témoins intouchables qui chargent un accusé en s’accusant eux-mêmes.
Depuis le début de ce procès certains témoins ont défilé. De ces témoins, trois se dégagent du lot. En premier Hacena Ould Ely, sorte de responsable qui faisait pour Ould Abdel Aziz office de « Majordome ». C’est-à-dire un bon à tout faireet en toutes circonstances.
Créé de toutes pièces par l’ancien président (l’accusé), toutes les fonctions qui avaient été confiées à ce responsable étaient taillées sur des rôles spécifiques qu’il était appelé à jouer.
Quand Hacena Ould Ely était passé à la barre il avait joué à la diversion en anesthésiant le public avec l’histoire des enfants de Ould M’Sabou, un témoignage qui n’apporte rien à une réunion de preuve et qui n’était d’aucun intérêt ni pour l’un ni pour l’autre des deux pôles de défenses.
Hacena Ould Ely avait joué à la diversion peut être pour faire somnoler les avocats de la partie civile qui elle, ne s’était pas montrée curieuse de savoir où était passé le million de dollars versé au capital de la Société Mauritanienne pour le Développement et la Coopération, Société dont les actionnaires américains étaient des escrocs introduits en Mauritanie par l’escroquerie d’une diplomatie de complaisance.
Président du Conseil d’Administration de cette Société taillée sur mesure de l’arnaque en règle, Hacena Ould Ely, président du Conseil d’Administration de cette fictive Société, annoncée d’utilité publique est quand même sensé savoir quand cette somme colossale de 1.000.000 de dollars a été retirée de son compte de domiciliation et au profit de qui elle a été retirée.
Se dégage aussi du lot l’homme d’affaires Selmane Ould Brahim. Selmane Ould Brahim c’est clair et même très clair. Il l’a dit lui-même c’était un prête-nom pour des affaires de vol en bande organisée. Il était venu le 6 avril 2023 à la barre pour dire ce que le tribunal voulait qu’il répète face à l’accusé.
Rodé dans les agissements des crimes de corruption, la complicité dans l’usage du faux, la corruption passive et active Selmane Ould Brahim a servi à une époque d’écran de fumée pour l’ancien président dans des transactions à effet boomerang. Il avait témoigné rassuré que ses témoignages à valeur d’or pour la partie-civile seraient difficilement démontables par le pôle des avocats de la défense de l’accusé, pôle pour lequel le témoin n’avait aucune obligation de donner des réponses aux questions qu’il pouvait poser.
Mountonsy aéroport passoire, Casa, Istanbul et Dubaï des couloirs sécurisés ?
Et, enfin, le plus surprenant de tous les témoins, Ahmed Samioumauritanien né 1983 et versé dans la magouille de toutes natures et sous toutes ses formes depuis qu’il avait atteint l’âge de 31 ans.On peut résumer son témoignage par l’affirmation qu’ Ilsuçait Ould M’Sabou et Smaou Mint Abdel Aziz avant d’avoir décidé de vendre son âme au diable qui rode dans les couloirs de la police des crimes économiques et financiers.
Le témoignage d’Ahmed Samiou a été très riche en informations et en révélations surprenantes. Le témoin sans froid aux yeux et sans vergogne reconnait devant la justice, une justice sensée juger des faits, crimes et délits liés au trafic de de devises, au vol en bande organisée et au crime transfrontalier qu’il avait joué le rôle de Mule payé pour ses prestations de services.
Une Mule qui passait par les mailles des filets des contrôleurs de l’aéroport international de Nouakchott sous escorte des éléments du Basep. Cette Mule, d’après elle, avait fait sortir du territoire national 25 kilogrammes d’or, une valeur estimée à 1 485 300 dollars américains soit près de 505 000 000 d’anciennes ouguiyaset 2.000.000 de dollars en coupures.
Il témoigne donc comme s’il racontait l’histoire d’un exploit personnel qu’il avait réussi pour saigner le pays devant des juges censés traquer des « escobars » de son espèce. Ahmed Samiou a été un témoin clé et capital pour la partie civile et peut être aussi pour le Ministère Public. Un témoin qui s’est accusé devant la justice d’un tribunal d’exception qu’il est auteur de crimes transfrontaliers graves.
Ce témoin, qui ne pouvait pas s’expliquer même sur des curiosités élémentaires s’est abstenu de répondre aux 59 questions qui lui avaient été posées par les avocats des deux pôles. Cet homme que le transport de 25 kilos d’or sur les épaules n’a pas fatigué sur le parcours Nouakchott-Casa-Istanbul et Dubaï a été tellement fatigué par la narration de faits invraisemblables qui l’accusent pourtanti qu’il ne pouvait pas répondre aux questions des avocats.
Seulement voilà ! Comme la question a été posée par la Jolie Sandrella, quand même la curiosité pousse réellement à chercher à savoir comment la « Mule », Ahmed Samiou a-t-elle pu contourner les services sécuritaires et douaniers des aéroports des pays traversés et du pays de destination finale ?
D’autres « Baseps » dans ces pays jalonnaient-ils le parcours du voyageur par un relai pour « débarquer » et le faire « embarquer » ce trafiquant de métaux précieux et des devises fortes ou bien ce passager serait-il invisible et indétectable par les systèmes des portillons de contrôles des zones d’embarquement des aéroports ? La question se pose.
Et, cette question ne devait pas non seulement susciter la curiosité des avocats de la défense de Ould Abdel Aziz, mais même celle du président du tribunal et celle du procureur de la République ne serait-ce que pour savoir s’il n’y avait pas une chaine de complicités mise en place par une mafia bien organisée et bien structurée sur l’itinéraire de ce trafiquant de grande envergure.
Parce que si Ahmed Samiou avait le « privilège » de se faire escorter jusqu’à la passerelle de l’avion par une force spéciale investie d’une « mission spéciale », ce dernier pouvait bien profiter de ce statut de protégé pour transporter pour son propre profit ou pour le compte de personnes peu scrupuleuses des produits prohibés ou des produits illicites. Pourquoi pas. La question mérite bien d’être posée.
Faire « craquer » Ould Abdel Aziz, un objectif à atteindre ?
Donc, au 19 ème jour du procès et, au regard de ce qui se passe on a comme l’impression que le choix des témoins appelés à la barre, et la nature de leurs dépositions ont été étudiés et motivés par une volonté d’essayer de faire « craquer » l’accusé Ould Abdel Azizpour le faire reconnaitre son implication seul, directement ou indirectement dans les affaires pour lesquelles il est poursuivi.
Mais même si l’ancien président se décidait par exemple à reconnaitre tous les faits qui lui sont reprochés rien que pour disculper ses anciens collaborateurs coaccusés et pour se retrouver finalement seul face aux juges, est ce que cela doit autoriser au tribunal des compétences qui lui confère la possibilité de laisser des témoins à charge empêtrés dans des délits et infractions graves et qui le reconnaissent de s’en tirer à bon compte et si facilement parce qu’ils avaient coopéré avec cette justice de deux poids deux mesures ? La question est celle-là aussi.
Mohamed Chighali
Journaliste indépendant.