Yezid Moulaye Rachid, préfet du département de Bababé, s’est distingué par une intervention particulière, exacerbant un problème foncier douloureux dans la commune d’Aéré M’Bar. Par ses actions, il utilise une stratégie bien connue, celle de « diviser pour mieux régner », ressuscitant des tensions anciennes semblables à un volcan endormi, entre deux communautés noires pourtant historiquement liées : les Haratines et les Peuls. Ces tensions trouvent racine dans la lutte pour le contrôle des terres du Walo, fondamentales pour la survie économique de ces populations.
L’histoire de ce conflit remonte à une gestion foncière controversée instaurée depuis 1989, dans un contexte marqué par les déportations-rapatriements des populations sur les deux rives du fleuve Sénégal. À cette époque, le régime de Maouya Ould Taya, mentor présumé de Yezid Moulaye Rachid avait arbitrairement attribué des terres cultivables à certains Haratines, aux dépens des droits fonciers historiques des familles Peulhs d’Aéré Golléré et Seno Boussobé. Cette décision injuste, prise sans concertation ni respect des droits coutumiers, a semé les graines de conflits persistants entre deux communautés qui coexistaient jusqu’alors pacifiquement, partageant des liens de fraternité et d’entraide solidifiés par des siècles d’histoire commune.
Ces dernières semaines, la tension est montée d’un cran, avec l’apparition de vidéos témoignant de confrontations ouvertes entre Haratines et Peulhs. Face à cette escalade, l’intervention des forces de l’ordre, incluant police et gendarmerie, semblait nécessaire.
Toutefois, au lieu d’apaiser la situation, Yezid Moulaye Rachid en a aggravé les conséquences. Par une décision controversée, il a autorisé les non-ayant-droit à exploiter l’ensemble des terres disputées. En parallèle, il a conseillé aux propriétaires légitimes de déposer des plaintes pour revendiquer leurs droits devant des instances judiciaires lentes et peu accessibles. Une telle posture, non seulement absurde mais juridiquement contestable, révèle une gestion délibérément partiale, destinée à nourrir les tensions plutôt qu’à les résoudre. Ces directives traduisent une politique étatique récurrente visant à maintenir les divisions entre communautés noires pour consolider une domination établie.
L’arrogance et l’autoritarisme que manifeste le préfet se sont également matérialisés dans son refus d’instaurer un dialogue avec les notables locaux. Ces derniers, cherchant une issue pacifique, se sont vu refuser audience, le préfet les humiliant en les renvoyant au gouverneur pour toute médiation. Cette attitude méprisante bouleverse les procédures administratives classiques, où le préfet représente habituellement le premier interlocuteur des citoyens.
En agissant ainsi, il bafoue non seulement les normes administratives, mais renforce aussi un sentiment de marginalisation et d’injustice parmi les Peulhs. Il s’agit clairement d’une volonté assumée de favoriser un groupe au détriment d’un autre, alimentant ainsi un cycle de rancœurs et de fractures sociales.
Cette politique, loin d’être le fruit d’un hasard, semble plutôt s’inscrire dans une stratégie de gouvernance à long terme visant à fragiliser les capacités d’organisation collective et la cohésion des communautés locales. En attisant les divisions entre Haratines et Peulhs, l’État, par l’intermédiaire de ses agents tels que Rachid, affaiblit les groupes marginalisés et s’assure que ces derniers ne puissent pas s’unir pour revendiquer leurs droits de manière collective et efficace. L’objectif semble clair : maintenir un contrôle systémique sur ces communautés en les rendant dépendantes et divisées.
Cette instrumentalisation des tensions ethniques est lourde de conséquences. Elle creuse un fossé difficile à combler entre des populations historiquement alliées, alimentant des haines inutiles au profit d’une domination centralisée.
Les implications dépassent la seule gestion foncière : un tel climat de méfiance mutuelle fragilise les efforts de développement local, empêche toute démarche collective de réconciliation et maintient les deux communautés dans une situation d’instabilité chronique.
En adoptant une posture partiale et clanique, le préfet a non seulement manqué à son devoir d’impartialité, mais a également aggravé des blessures profondes, ravivant des divisions destructrices. Ce qui aurait dû être une gestion apaisante d’un litige foncier s’est transformée en une manœuvre politique délétère, révélant la manière dont certains agents de l’État utilisent le pouvoir pour accentuer les tensions sociales.
À long terme, ces politiques risquent de miner davantage la confiance entre les communautés locales et les institutions publiques, posant un sérieux obstacle à la stabilité et au progrès dans cette région si fragile.
Dixit Seidou Dème