Voilà quasiment un quart de siècle que la France n’avait plus remporté le Ballon d’Or. Karim Benzema, ancien paria devenu fierté nationale, devient le cinquième français à le soulever et met fin à une interminable attente ponctuée d’immenses désillusions, de Thierry Henry à Franck Ribéry. KB9 a réussi là où tant de Bleus, et non des moindres, ont échoué.
Enfin. Enfin, le voilà, le Ballon d’Or que la France attendait frénétiquement, impatiemment et fiévreusement depuis 24 ans, soit la deuxième plus longue disette pour le foot tricolore. Alors que, grâce à Raymond Kopa, Jean-Pierre Papin, au triplé de Michel Platini ou au dernier trophée, remporté par Zinedine Zidane, les Bleus ont longtemps compté dans l’histoire de la récompense, récoltant même un tiers des Ballons d’Or entre 1983 et 1998, le sacre attendu de Karim Benzema met fin ce lundi à une infernale disette.
Le Madrilène est devenu officiellement le cinquième Français à remporter la récompense individuelle suprême, c’est lui qui succède à Zidane et tisse un peu plus une filiation évidente avec son ancien coach et mentor. Et c’est Zizou, justement, qui lui a remis le précieux trophée ce lundi au théâtre du Châtelet. Difficile de faire plus beau symbole.
Le classement complet du Ballon d’Or 2022
Et maintenant, quelle place pour Benzema dans l’histoire du foot français ?Et maintenant, quelle place pour Benzema dans l’histoire du foot français ?
Vingt-quatre ans, quasiment un quart de siècle : Benzema devient aussi le premier Ballon d’Or français du XXIe siècle et de toute une génération. Celle qui pensait que Lionel Messi et Cristiano Ronaldo se partageraient le précieux jusqu’à l’infini. Depuis 1998, seulement huit pays ont eu droit aux honneurs du trophée. L’Argentine, le Portugal et le Brésil l’ont saisi 17 fois sur les 22 dernières éditions. La République tchèque, l’Ukraine, l’Italie, l’Angleterre et la Croatie ont, au moins, récolté les miettes. Et rien pour la France donc jusqu’à ce 17 octobre.
Mieux que Ribéry, Henry et Griezmann
Et pourtant, dans l’intervalle, elle avait de sacrés arguments pour ramasser la mise en remportant une Coupe du monde ou en plaçant quelques-uns de ses meilleurs éléments parmi les plus grandes références du XXIe siècle. Sept fois, elle aurait pu, et parfois dû, finir sur la plus haute marche du palmarès. Zinedine Zidane (2000 et 2006), Thierry Henry (2003 et 2006), Franck Ribéry (2013) et Antoine Griezmann (2016 et 2018) ont pourtant, à chaque fois, trouvé plus fort qu’eux. A cause d’un carton rouge ou d’un coup de boule pour Zidane, de votes venus de l’Est pour Henry, du duo Messi – Ronaldo pour Ribéry et de la puissance du lobbying madrilène pour Griezmann. Voire aussi du manque de soutien patriotique dans les deux derniers cas.
Alors, pourquoi Benzema a-t-il réussi là où tous les plus grands joueurs français ont échoué depuis 24 ans ? D’abord parce que pour la première fois depuis 16 ans (oui, 16 ans !) ni Lionel Messi ni Cristiano n’étaient des candidats sérieux. Le couronnement de Benzema reste un authentique exploit puisqu’il est un vrai contemporain de Ronaldo et de Messi, dont il partage l’année de naissance (1987). Il n’est que le deuxième joueur de leur génération à soulever le trophée après Luka Modric, né en 1985 comme Ronaldo.
exclu des bleus hier, fierté nationale aujourd’hui
Ensuite parce que KB9, au-delà de ses accomplissements et de son parcours immaculé en Ligue des champions qui le rendent absolument incontournable, peut compter sur le soutien sans faille du Real Madrid, machine à faire (et défaire) les Ballons d’Or. Il n’est pas certain que le savoir-faire du club recordman en la matière désormais, avec le Barça, ait fait pencher la balance tant Benzema s’est très bien occupé tout seul d’éparpiller la concurrence. Mais Ribéry avait connu les mêmes succès en 2013 sans cerise sur son gâteau, la faute entre autres à un soutien timide de son club et de son pays (et d’un lobbying démentiel du Real pour CR7). Le retour au vote exclusif des journalistes permet aussi de recentrer le débat sur le terrain et d’éviter les votes baroques ou politiques des sélectionneurs ou de leurs capitaines.
La France a attendu 24 ans mais, cette fois, aucun obstacle ne pouvait se dresser sur sa route. Benzema devient l’un des Ballons d’Or français les plus incontestables de l’histoire. Lui qui, pourtant, a connu une histoire si contrariée et des relations parfois distendues avec son pays . Exclu des Bleus entre 2016 et 2021 pour l’affaire de la « sextape », qui a écorné son image auprès du grand public, il lui a fallu un exil dans le plus grand club du monde, un retour apaisé et efficace en équipe de France, et une saison sensationnelle pour combattre les forts vents contraires. Aujourd’hui, personne ne discutera le sacre d’un Karim Benzema devenu, enfin, fierté nationale. Faudra-t-il encore attendre un quart de siècle pour lui trouver un successeur ou lance-t-il une dynamique ? Tout ceci pourrait dépendre de Kylian Mbappé…
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