Trente-deux ans qu’ils végètent dans des camps de fortune après «Diawara » ! Ce 9 avril 1989, des paysans de cette localité sénégalaise, excédés par les nuisances d’animaux en provenance de Mauritanie, décident de «reconduire» le bétail en divagation de l’autre côté de la frontière.
L’entreprise se solda par un drame. Deux Sénégalais sont tués et plusieurs autres sont retenus contre leur gré pour «interrogatoire» par les autorités mauritaniennes. Voilà comment un de ces incidents, somme toute routinier entre pays frontaliers, tourna au tragique. Quels rapports avec des citoyens mauritaniens vivant paisiblement à plusieurs kilomètres de là ? A priori aucun si ce ne sont une proximité culturelle présumée et la même couleur de peau.
L’incident de Diawara a surtout été le prétexte à la réalisation d’un projet gouvernemental qui n’attendait que son heure. Le caractère systématique, soigneusement planifié, la coordination, l’ampleur et la rapidité avec lesquelles les déportations de citoyens négro-africains furent menées ne laissaient place au doute. Le projet était conçu de longue date. On s’en doutait. Les faits sont désormais reconnus sans complexes par leurs maîtres d’œuvre.
Ces derniers admettent ainsi l’existence d’un plan éliminationniste ciblant toute une composante du pays. Dans un article hommage à l’artisan le plus cynique des déportations, l’ancien ministre de l’intérieur Gabriel Cimper, intitulé Administrer c’est prévoir, M. Vadili Mohamed Raiss, fonctionnaire du ministère, rapporte que le ministre de sinistre réputation l’avait missionné pour rédiger un rapport avec pour objectifs « l’urgente nécessité d’actualiser la monographie des villages situés de part et d’autre du fleuve». Il était précisé que «chaque village devait faire l’objet d’une étude distincte : date d’implantation, nature des habitants, équipements collectifs, cadres ressortissants, liens avec le Sénégal ».
« Dans ce rapport, étaient consignées au détail près toutes les mesures à prendre dans l’hypothèse de la fermeture des frontières » ajoute M. Raiss. Explicite ! Les déportations ont affecté toutes les catégories de la population négro-africaine, tous les statuts sociaux. Et trente-deux ans après ? En trente-deux ans, le temps, on s’en doute, a fait son œuvre. Il y a eu des naissances et des morts en déportation. Des trajectoires différentes se sont dessinées. Il reste des vies brisées à jamais.
Ils sont encore près de 24000 à survivre dans des camps de réfugiés au Sénégal ou au Mali. Les autorités mauritaniennes qui s’étaient engagées, voilà plus de dix ans, à organiser des retours, reconnaissant par là même la responsabilité de l’Etat, ont bafoué leur promesse. Quant aux rares rapatriés, ils n’ont pu, comme on pouvait le craindre, retrouver leurs repères et leur place au sein d’une société qui a continué à vivre sans eux voire quelquefois contre eux.
C’est le cas lorsque leurs biens ont été accaparés par d’autres. N’oublions pas que les déportations ont été précédées ou ont été suivies de spoliations en tous genres. Faute d’avoir pu retrouver leur vie et leur situation d’avant déportation, les déportés ont été réduits de nouveau au statut de réfugiés mais chez eux cette fois.
Plus de trois décennies plus tard, qu’est-ce qui a changé ? Pas assurément le sort des Négro-africains de Mauritanie. Si l’heure n’est pour le moment pas aux pogroms d’il y a trente ans, aux incarcérations dans des bagnes mouroirs, l’œuvre d’effacement de la composante négro-africaine reste plus que jamais d’actualité. Seules ses formes ont changé.
Par sa dimension symbolique et matérielle, la confiscation des terres, en cours dans la Vallée, marque une étape essentielle d’un parcours soigneusement balisé. Le projet est clair désormais : élimination ou assimilation culturelle.
Les FLAM demandent instamment aux autorités mauritaniennes de mettre en place, en collaboration avec le HCR et les organisations de défense des droits de l’homme, un plan de retour viable de tous les déportés mauritaniens vivant au Sénégal et au Mali, de leur garantir le recouvrement plein et entier de leur citoyenneté et les conditions d’une insertion véritable dans la vie nationale.
Il est grand temps que le pouvoir ethnocratique et racial en place en Mauritanie comprenne que le pays est condamné à voir cohabiter tous ses citoyens, dans le respect de leur diversité, culturelle notamment. Les politiques discriminatoires sont vouées à l’échec car elles seront fermement combattues. Ni les projets génocidaires, ni les déportations, ni les obstacles à l’accès à la fonction publique, à l’armée, à la police, aux forces de sécurité ne viendront à bout de notre volonté d’édifier une Mauritanie réconciliée. Tel a été et tel reste l’objectif des FLAM.
Département de la communication des FLAM
Le 11/04/2021