Contexte :
Suite aux allégations de cas d’esclavage relayées sur les réseaux sociaux, la CNDH a déployé, du 10 au 12 novembre, une équipe avec l’assistance technique du BHCDH, à Ain Farba, dans le Hod El Gharbi, pour vérifier les informations.
Méthodologie :
La mission s’est entretenue avec les autorités locales, le procureur près le tribunal de Aioun, et a eu des entretiens individuels avec les toutes parties impliquées, notamment, la femme qui allègue être en situation d’esclavage, ses deux enfants et son mari.
Faits :
C’est la situation d’une femme de 39 ans qui allègue être en situation d’esclavage car sa pièce d’identité est retenue par son ancien maitre, la privant ainsi des subsides versés par la fondation Taazour. Elle allègue également que ses deux enfants sont retenus par son ancien maitre.
Conclusion et recommandations :
• Aux termes de nos investigations, nous estimons qu’il y a des fortes présomptions de cas d’esclavages conformément aux termes de la loi de 2015 et encourageons les autorités judiciaires à continuer les investigations afin de vérifier des éléments qui puissent confirmer ou infirmer le cas.
• Nous notons avec satisfaction, la diligence avec laquelle les autorités judiciaires ont réagi pour répondre promptement au cas ;
• Nous encourageons les autorités judiciaires à continuer la lutte contre l’impunité dans le cadre de la mise en œuvre de la loi n° 2015-31 portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes.
La stratégie de la CNDH est claire:
On brise le tabou de l’esclavage qui a existé chez nous comme il a existé partout dans le monde.
Sans doute continue-t-il d’être pratiqué d’une manière ou d’une autre aujourd’hui, ce n’est pas étonnant si l’on sait que selon Walk Free l’ONG australienne spécialisée dans le domaine de l’esclavage il y a aujourd’hui 40 millions d’esclaves dans le monde dont 25 millions soumis au travail forcé. salon de rapport américain de 2021.
Les sources de la police française en 2020 ont enregistré 892 cas.
La méthodologie adoptée par la CNDH est simple.
Nous sensibilisons sur le caractère criminel de l’esclavage dans les coins les plus reculés à travers nos caravanes dont la prochaine sera lancée mardi à partir d’ATAR et parcourera le Tiris, le tagant et l’inchiri.
Nous avons mis en place un mécanisme crédible et opérationnel en partenariat avec le bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme et les O.N.G. pour enquêter sur chaque cas signalé.
Il s’agit de barrer la route aux deux ennemis de la lutte contre l’esclavage dans notre pays: ceux qui veulent fermer les yeux face à la pratique et ceux qui veulent l’exploiter politiquement et commercialement.
La CNDH veut transformer le débat stérile sur la question de l’esclavage en travail de terrain pour identifier les cas et faire pression pour l’application de la loi.
nous avons un arsenal juridique complet nous avons des tribunaux spécialisés c’est le premier devoir de l’État il l’a accomplit nous devons faire le reste ensemble.
C’est à cela que nous avons adressé des invitations aux O.N.G. pour nous accompagner sachant que les autorités ont donné des instructions fermes et claires pour nous ouvrir toutes les portes et nous faciliter notre tâche car le pays est déterminé à tourner la page de l’esclavage.
Nous remercions les ONG qui ont déjà déclaré leurs disponibilités pour nous accompagner notamment SOS – Esclaves. Nous avons également adressé l’invitation aux chancelleries accréditées en Mauritanie pour nous accompagner.
C’est le lieu de remercier l’ambassadeur de l’Union européenne qui a déjà confirmé sa disponibilité pour participer, l’ambassade des États-Unis qui a décidé d’envoyer un représentant, l’ambassade d’Espagne qui décidera de l’étape qui lui convient éventuellement et le Bureau du haut commissariat aux droits de l’homme des Nations unies qui nous accompagne. Les portes de la Mauritanie sont grandement ouvertes à l’éradication du crime de l’esclavage.
La volonté politique est irréversible.
A l’adresse du gouvernement nous présentons nos vifs remerciements pour les efforts fournis dans le cadre de la lutte contre l’esclavage qui ont été salués par le dernier rapport Américain sur la traite des êtres humains, qui ont également été salués par la haute commissaire aux droits de l’homme des Nations unies dans son dernier discours et le rapporteur spécial contre l’esclavage qui visitera la Mauritanie incessamment à l’invitation du gouvernement.
À l’adresse des juges mauritaniens nous disons: nous vous devons respect en vertu de la loi. Nous n’avons pas le droit d’avoir des préjugés sur sur votre compétence et votre honnêteté néanmoins nous vous disons clairement que la complaisance dans le traitement des dossiers de violations des droits de l’homme et tout particulièrement l’esclavage est inacceptable et ne sert pas le pays. nous sommes conscients que la loi sera appliquée avec rigueur, dans chaque cas, et nous sommes renforcés dans cette conviction par la circulaire courageuse qui a été adressée par le ministre de la justice aux magistrats à l’issue de la table ronde organisée sur l’esclavage en Mauritanie au mois de juin dernier.
A l’adresse des défenseurs des droits de l’homme et des Organisations de la société civile nous disons: travaillons ensemble, venez nous rejoindre dans nos activités et impliquez nous dans les votres.
Dans le contexte actuel vous devez vous inscrire dans une dynamique de coopération mutuelle entre la commission nationale des droits de l’homme, les organisations de la société civile, le bureau du haut commissariat des Nations unies et le gouvernement pour relever ensemble les défis des droits de l’homme et tout particulièrement la question de l’esclavage.
Il n’est plus nécessaire d’agir dans la confrontation. Cette méthode est inefficace, inappropriée et inopportune.
La sérénité et le partenariat garantissent plus d’efficacité, par expérience. Christine Taubira, l’ancien ministre de la justice de France, qui est une grande référence dans la lutte contre l’esclavage avait en charge le dossier de l’esclavage en tant que ministre de la justice de la France, un pays démocratique, et en tant que descendant d’esclave elle-même, de Guyane. Ses conclusions sages sont aujourd’hui d’une inspiration incontestable pour les militants anti esclavage.
pour elle, il faut éviter la dimension inflammable de la question, il n’y a pas de culpabilité héréditaire, personne n’est responsable de ce passé, c’est notre passé commun que nous devons regarder en face et sur la base duquel nous devons construire notre avenir commun.
Pour elle il faut éviter le monde binaire qui schématise les choses en blancs qui étaient des criminels et des noirs qui ont été des victimes. le monde n’est pas aussi binaire que ça, des blancs ont défendu et protesté et des noirs ont collaboré, ont vendu, ont exploité et capturé des esclaves.
pour elle aussi, dans ses propos plein de sagesse qui inspirent aujourd’hui les militants anti esclavage, les esclaves ont souffert, ont pleuré, ont enduré mais ont aussi dansé, chanté, contribué à laisser des traces dans la culture. Au final elle dit qu’il y a trois solutions à adopter, qu’elle a fait adopter par la France :
– une loi qui élève l’esclavage au stade de crime contre l’humanité
– un enseignement à l’école pour que les jeunes apprennent cette page de l’histoire encadrés par des sages et non par des irresponsables
– et enfin des monuments qui symbolisent cette partie de l’histoire.
Il n’y a pas d’autres solutions à part les solutions économiques qui permettent de rétablir le fossé et de récupérer le retard de ces citoyens.
Au cours des caravanes de la Cndh nous avons identifié, dans les adwaba, des poches de pauvreté et de vulnérabilité, conséquences des séquelles de l’esclavage, nous avons soumis nos rapports à la délégation TAAZOUR qui nous a accompagné et a intervenu à plusieurs niveaux notamment à blajmil et oudey ehl cheiheb en Assaba.
C’est à ces actions dans le cadre de nos caravanes que nous invitons les défenseurs Des droits de l’homme et les organisations de la société civile. La lutte contre l’esclavage doit adopter ces trois approches, une sensibilisation sur le terrain, une identification des cas pour l’application de la loi et un accompagnement des autorités pour réduire les conséquences de l’esclavage.
Je vous remercie