Les deux pays, qui vont s’affronter ce mercredi soir dans une demi-finale de Mondial inédite, se sont déjà croisés à cinq reprises. Les Lions de l’Atlas n’ont à ce jour jamais battu les Bleus…
Que l’équipe de France fasse partie des demi-finalistes de la Coupe du monde, de même que l’Argentine, couronnée en 1978 et en 1986, et la Croatie, troisième en 1998 et finaliste en 2018, n’est pas une immense surprise en soi.
Mais que le Maroc se soit invité à la table des grands après avoir battu la Belgique (2-0) et accroché la Croatie (0-0) au premier tour, puis éliminé l’Espagne (aux tirs au but) et enfin le Portugal (1-0), voilà qui était beaucoup plus inattendu.
Pourtant, sa présence à ce stade de la compétition n’a rien d’illogique. Et le Maroc est en droit, comme les trois autres rescapés, de rêver au titre de champion du monde. Il lui faudra pour entretenir le rêve s’imposer face aux Bleus, ce qu’il n’a jamais réussi à faire auparavant. Pour cette sélection marocaine, la mission s’annonce particulièrement difficile mais pas impossible, puisqu’elle a déjà éjecté de la compétition trois poids lourds du football mondial.
« Bien sûr que la France est favorite. C’est normal, elle est championne du monde en titre, dispose de joueurs de très haut niveau, dont Lloris, Mbappé, Giroud, Griezmann… Mais aujourd’hui, le Maroc est capable de battre n’importe qui. Il est porté par un élan, par une motivation qui font de lui un adversaire redoutable pour les Bleus », prévient le Français Patrice Beaumelle, ancien adjoint d’Hervé Renard quand celui-ci entraînait le Maroc et ex-sélectionneur de l’équipe olympique marocaine.
Trois victoires françaises, deux matchs nuls
Les Lions de l’Atlas n’ont jamais été favoris par le passé, et ils ne le seront pas davantage ce mercredi. Mais toutes les confrontations franco-marocaines précédentes ont eu lieu dans un cadre purement amical. Trois ont été remportées par la France – en 1988 à Monaco (2-1), en 1999 à Marseille (1-0) et en 2000 à Casablanca (5-1) –, et deux se sont terminées sur le score de 2-2 (1998 à Casablanca et 2007 à Saint-Denis).
Pour l’ancien international marocain Abdeslam Ouaddou, qui a participé au France-Maroc de 2007, ce match ressemblera beaucoup à ceux livrés par ses compatriotes face à l’Espagne et au Portugal.
« Les Lions ne sont pas là par hasard. Ils ont un système de jeu basé sur une solidité défensive et une capacité à se projeter rapidement vers l’avant à la récupération du ballon. Mais outre cette question tactique, il y a un point qui me semble essentiel pour expliquer pourquoi l’écart entre les grandes nations comme la France, par exemple, et les autres, s’est resserré ces dernières années. Prenez le cas du Maroc : plusieurs joueurs, comme Bounou et En-Nesyri (FC Séville), Hakimi (Paris-SG), Mazraoui (Bayern Munich), Ziyech (Chelsea), Amrabat (Fiorentina), etc… ont été formés en Europe et évoluent dans de bons, voire de très bons clubs. Ils ont non seulement une excellente culture tactique, mais ils savent gérer leurs émotions dans les grands matchs. »
Qu’ils le veuillent ou non, les Marocains ne seront pas non plus exempts de toute pression mercredi soir à Al-Khor. « Il y a une énorme ferveur autour de cette sélection, beaucoup de Marocains sont au Qatar, et on voit qu’au Maroc, mais également dans d’autres pays africains ou arabes, et en Asie, beaucoup la soutiennent », poursuit Ouaddou.
Les Bleus sous pression
Mais la pression pèsera davantage sur les épaules des Français, champions du monde en titre. Les performances des Lions de l’Atlas ont forcément interpellé Didier Deschamps, le sélectionneur des Bleus, mais aussi ses joueurs.
Si les Nord-Africains misaient sur un quelconque excès de confiance de leurs adversaires, autant les prévenir tout de suite qu’ils font fausse route, comme l’a confirmé à Jeune Afrique un des membres du staff des Tricolores. « Il faut avoir beaucoup de respect pour les Marocains, et ne pas se croire trop beaux. »
Une prudence que valide Patrice Beaumelle, qui connaît trop bien la valeur des joueurs de Walid Regragui. « Ce qu’a fait le Maroc depuis trois semaines est fantastique, mais c’est tout sauf un hasard. Je trouve que les critiques sur le jeu de cette équipe sont sévères. Le Maroc joue avec ses qualités, ses valeurs. Son sélectionneur n’est là que depuis le mois d’août, et je rappelle qu’il n’a pas un effectif du niveau de celui du Brésil, de l’Espagne, du Portugal ou de la Belgique. Et pourtant, c’est lui qui est en demi-finale, pas eux. »
Et si la France ouvre le score ?
Évidemment, le Maroc, comme la France, a ses failles. Les Lions de l’Atlas comptent plusieurs joueurs blessés qui ne seront peut-être pas tous opérationnels (Aguerd, Mazraoui, Saïss…). La fatigue, comme chez les autres demi-finalistes, est là, et beaucoup s’interrogent sur le scénario du match si le Maroc était mené au score, ce qui ne lui est jamais arrivé au Qatar.
« C’est effectivement une interrogation, admet Ouaddou. Jusqu’à présent, le Maroc a toujours ouvert le score. Si la France marque la première, il devra prendre des risques. On a des joueurs très forts techniquement, car il y a toujours eu du talent au Maroc. Produire du jeu, on sait faire. Mais l’idéal serait bien sûr de marquer en premier… »
Le soutien du public et des supporteurs marocains, qui devraient être plus de 20 000 à Al-Khor, va compliquer la tâche de l’équipe de France. « Ça sera à mon avis un match tactique, assez serré. J’espère une victoire du Maroc, mais si la France se qualifie pour la finale, je serai derrière elle », ajoute Ouaddou.
Beaumelle a le même raisonnement, mais inversé. « Je suis Français, je souhaite la victoire des Bleus. Et si la France perd, je soutiendrai le Maroc en finale… »
Jeune Afrique