Le 18 décembre 2022, à la faveur d’un audio en partage sur les réseaux sociaux, le député Elkotob ould Emmat, du parti islamiste Tawassoul, réplique à certains de ses camarades, en l’occurrence Mohamed Jemil ould Mansour et Mohameden ould Mohamed Ghoulam, tous deux partisans d’une lecture progressiste de la Charia.
Il se livre, alors, à une glorification explicite de l’esclavage, selon le livre saint et la tradition (Sunna) ; ainsi, pousse-t-il la témérité, au point de rejeter, les militants de l’abolition, dans les ténèbres de la mécréance (Kofr) et les menace du châtiment divin, à l’heure de la résurrection.
A mainte reprise, sollicitant des citations du Coran, des hadiths et de l’épopée des califes successeurs du Prophète (Psl), il justifie, arguments à l’appui, l’inégalité entre les humains, par la volonté de Dieu. Dans la bouche de l’honorable, le propos, dont nous reproduisons la teneur traduite, en annexe, ne manquera d’écœurer la communauté des gens civilisés.
Or, malgré le caractère univoque de ses paroles, nettement audibles ici, Elkotob ould Emmat, se fend, le même jour, d’un communiqué de reddition oblique où il relativise la teneur de l’enregistrement : usant d’un sens consommé du dédoublement de soi, il prétend n’avoir rien proféré de scandaleux, sauf à exposer et commenter le débat sur les clauses du droit musulman, durant le siècle inaugural de la Umma. La feinte s’avère grossière et d’une hypocrise si manifeste qu’elle ne saurait emporter l’adhésion, à moins d’épuiser, à cette fin, des trésors d’indulgence.
Maintenant, voici, désormais établie, la preuve d’une atteinte à la dignité de milliers de Mauritaniens et de descendants d’esclaves, victimes de la traite transsaharienne, jusqu’aux comptoirs de Zanzibar et de Mombassa ; en conséquence, notre interpellation s’adresse, d’abord, au ministre de la Justice et à son collègue de l’Intérieur, sans omettre le bureau de l’Assemblée nationale : quelles poursuites pénales et sanctions disciplinaires mérite une telle incitation à la discorde ?
En vertu de quelle acrobatie clientéliste, tant de mépris aux engagements internationaux de la Mauritanie bénéficierait-il, d’une énième tolérance? Continuera-t-on à excuser le défi provocateur, parce que l’auteur de l’insulte se prévaut de l’immunité de naissance ? Va-t-on, une fois de trop, laisser passer l’ignominie, suivant l’injonction de la supériorité de race ?
L’apostrophe vise, également, la direction de Tawassoul, souvent prise en flagrant délit de connivence-mutité, avec les porte-voix de l’islamo-fascisme et leurs accès de misogynie…Nul n’oublie la rage sexiste, du bloc de la conservation, envers la survivante aux viols, Mariem mint Cheibani, soumise, de mère en fille, à la libido de ses maîtres. Pourtant, le seuil du supportable dépassé, elle se résolut à dénoncer les châtiments corporels, le cuissage et les travaux forcés. Aussitôt, le tortionnaire, Cheikhna ould Chehlawi, allié et soutien du député de Tawassoul dans la ville de Tintane, le fameux Mohamd Elmokhtar ould Taleb Navee, reçut les encouragements de son protecteur et cousin ; l’élu islamiste ne manqua, toute vergogne bue, de marquer de l’aversion aux normes d’incrimination de l’esclavage ; in fine, il parvint à soustraire, son parent, aux rigueurs de la loi.
Aux motifs similaires, la condamnation à mort du blogueur Mohamed Cheikh ould Mkheïtir révélait, quelques années plus tôt, la densité et l’enracinement du fanatisme et de la pulsion de mort, parmi les sympathisants et personnalités de Tawassoul, la première force de l’opposition, en nombre de sièges.
Aujourd’hui, outrés, surpris et néanmoins mobilisés, nous attendons, des politiciens, de la société civile et des représentants du pouvoir, la réaction qui convient à la brutalité de l’infraction, avant d’en appeler au verdict non-violent de la rue. Nous voulons manifester, loin de la casse et de l’anathème, afin de signifier combien nous en avons marre de la banalisation du racisme, sur la terre bénie de nos ancêtres.
Nous, Africains autochtones au sud du Sahara, progéniture des peuples encore subjugués, n’acceptons plus que la religion, son exégèse et ses avatars servent, toujours, à nous prescrire la sacralisation de notre infériorité. Souvenez-vous-en, dès 2012, nous dévoilions la mesure de notre vigueur et la fermeté de nos actes, quand Biram Dah Abeid prit la responsabilité d’incinérer, devant témoins, les écrits de jurisconsultes, animés, au fil des siècles, par l’obstination de nous amoindrir.
En dépit des appels au meurtre, il a survécu et se dresse, debout, comme un avertissement à l’imprudence des orgueilleux.
Fils et petits-fils d’esclaves, à présent gorgés de la fureur de vivre à l’abri des chaînes mentales de l’oppression, enfants de castes nobiliaires, natifs de la liberté au berceau, justes, acquis à l’universalité des droits, levez-vous, nombreux, votre jour est arrivé !
Démontrez, à vos compatriotes distraits, malvoyants ou sourds, que votre colère légitime devrait être la leur, au nom de la promesse d’un avenir en commun, pour la paix qui dure, sous l’étendard de l’équité, solidaires certes mais, surtout, égaux, à jamais !
Initiative de résurgence abolitionniste en Mauritanie (Ira-M), le Bureau Exécutif
le 20 décembre 2022