ENTRETIEN. Qu’en est-il concrètement du sentiment antifrançais sur le terrain ? Hélène Conway-Mouret, sénatrice des Français de l’étranger apporte son éclairage.
La sénatrice ( PS) des Français de l’étranger n’y va pas par quatre chemins lorsqu’il s’agit de dire ce qu’elle pense de la politique africaine de la France. Hélène Conway-Mouret arpente le terrain ces derniers mois, avec pas moins de trois pays visités depuis le début de l’année 2023 et délivre un constat amer concernant la présence française sur le continent africain. « Depuis l’Ouest jusqu’à l’Est, en passant par l’Afrique centrale », la responsable politique estime que les Africains oscillent entre l’hostilité et l’indifférence. Comment en est-on arrivé là ? L’ancienne ministre déléguée chargée des Français de l’étranger sous le gouvernement Ayrault pointe tout à la fois, le manque de concertation dans la définition même de la stratégie française en Afrique, l’absence de la France dans des marchés clés, et aujourd’hui une politique des visas trop restrictive. Elle a répondu aux questions du Point Afrique, au moment où le chef de l’État va donner un nouvel élan aux relations franco-africaines et entamer une tournée en Afrique centrale.
Le Point Afrique : Le président Macron entame une tournée dans quatre pays d’Afrique centrale. Vous revenez justement d’un voyage sur le continent africain. Comment se porte, sur le terrain, la relation franco-africaine ?
Hélène Conway-Mouret : J’étais récemment à Djibouti et en Éthiopie, plus tôt, en début d’année, je me suis rendue en Mauritanie. Ce sont des pays très différents, situés à l’est et à l’ouest du continent. Ce que je peux souligner, c’est que j’ai passé du temps sur place. Et je crois que, c’est essentiel, aujourd’hui, de passer du temps en Afrique. Le continent africain demande du temps pour mieux appréhender toutes ses dimensions.
C’est exactement l’inverse de ce que s’apprête à faire le président Macron, dans le sillage de ses prédécesseurs. Il va passer tout au plus 24 heures dans chaque pays, ce n’est plus concevable. Les Africains ont besoin qu’on écoute ce qu’ils ont à dire. Nous ne pouvons plus arriver avec des certitudes. Malheureusement, nous n’avons pas assez évolué sur cette approche. Et aujourd’hui, nos maladresses ou propos déplacés sont allègrement relayés sur tous les réseaux sociaux localement. Il faut vraiment que notre personnel politique fasse très attention à ses prises de parole, la moindre petite phrase malheureuse peut avoir des conséquences irrémédiables.
Pour en revenir à la tournée du président, cela donne, encore une fois, l’impression que les Français n’ont pas de temps à consacrer à l’Afrique. Tout se passe comme si l’Afrique était un sujet secondaire. Je pense qu’au contraire, il faut sérieusement considérer ce continent, mieux le comprendre, et appréhender les réalités du terrain. Car l’avenir se joue là-bas
Le Point Afrique