Verra-t-on un jour la fin de la pandémie de coronavirus ? À quoi pourraient ressembler les prochaines années ? Nous avons posé ces questions à des épidémiologistes, virologues ou responsables de l’OMS. Ils dessinent trois options à moyen et long terme, plus ou moins optimistes.
Les gestes barrière que nous avons adoptés depuis plus d’un an seront-ils bientôt un lointain souvenir ? Les spécialistes détaillent 3 scénarios. Image d’illustration.
Vagues successives, nouveaux variants, restrictions diverses… Voilà plus d’un an et demi que le coronavirus impacte le quotidien du monde entier. Avec comme l’impression de ne jamais en sortir.
D’où cette question à laquelle on aimerait tant avoir une réponse : à quand la fin ? « Faire un pronostic sur l’évolution de l’épidémie est difficile car elle réserve beaucoup de surprises », prévient d’emblée le professeur Didier Houssin, président du Comité d’urgence Covid-19 de l’Organisation mondiale de la santé. Car si la pandémie de coronavirus nous a appris une chose depuis son apparition, c’est bien d’être prudent concernant de possibles prévisions.
« Je vous rassure tout de suite, il y aura une fin de la pandémie », peut-on néanmoins affirmer, selon l’épidémiologiste Yves Buisson. Pour rappel, la pandémie désigne cette phase où une épidémie se développe et est présente partout dans le monde. « La situation qu’on voit actuellement avec un variant très transmissible qui entraîne une recrudescence des cas et des hospitalisations va finir par rentrer dans l’ordre », abonde le virologue Bruno Lina, membre du conseil scientifique, qui affirme que « le plus dur est derrière nous ». Reste alors la question de quand mais surtout de comment.
Selon plusieurs spécialistes contactés par Ouest France, à moyen et long terme, trois scénarios se dessinent. Dans le premier, le plus pessimiste, la pandémie ne cessera de continuer à cause de nouveaux variants. Le deuxième scénario, le plus probable, imagine une épidémie réduite au stade endémique, avec un virus qui continue de circuler mais de façon moins grave. Le dernier est celui de l’éradication du virus mais il est malheureusement très improbable.
1. L’épidémie reste importante à cause de nouveaux variants : possible mais pas le plus probable
L’évolution de l’épidémie se joue comme un match entre deux dynamiques : l’acquisition de l’immunité (par la contagion mais surtout par la vaccination) et la capacité du virus à muter. Si la seconde l’emporte, on entre alors dans le premier scénario qui est un peu le scénario catastrophe.
L’apparition du variant Alpha (dit britannique) puis celle du variant Delta (dit indien) montre que le coronavirus peut muter vers des formes plus transmissibles. On peut alors craindre l’arrivée d’un variant encore plus transmissible, voire plus dangereux, qui conduirait à de nouvelles vagues de l’épidémie.
Dans le pire des cas, un variant d’échappement apparaîtra, c’est-à-dire un variant qui ne serait pas reconnu par les anticorps obtenus par une précédente contamination ou par le vaccin. « Cela nécessiterait alors une possible mise à jour du vaccin avec un rappel », affirme Mircea Sofonea, maître de conférences en épidémiologie et évolution des maladies infectieuses à l’Université de Montpellier.
L’apparition de nouveaux variants est très difficile à anticiper. Mais heureusement, ce scénario du pire n’est pas le plus probable. Déjà car la capacité du coronavirus à muter semble limitée. « Pour l’instant, tous ces virus sont identiques, les variants sont un même virus qui a simplement évolué génétiquement », explique Bruno Lina. Ensuite, car le variant qui dominera les autres est celui qui est le plus contagieux et qui se transmet le plus. Or peut-on vraiment avoir un variant plus contagieux que le variant Delta ? « On a du mal à l’imaginer car c’est déjà l’un des virus les plus transmissibles qui existe dans le monde », poursuit le virologue.
Mais le responsable de l’OMS Didier Houssin, ancien directeur général de la Santé en France, prévient : « Il est possible que le virus continue de circuler très activement dans des pays dépourvus de moyens et n’ayant pas accès aux vaccins. En circulant, il peut changer et nous revenir transformé, sous une forme qu’on aura du mal à maîtriser » . D’où la nécessaire vigilance internationale sur ce sujet et l’importance d’apporter de l’aide aux pays ayant peu de moyens.
2. Le coronavirus devient endémique avec moins de formes graves : le plus probable
Deuxième hypothèse, le SARS-CoV-2, responsable du Covid-19, continue de circuler mais de façon moins grave. « Ce virus respiratoire va finir par se comporter comme les autres virus respiratoires c’est-à-dire basculer vers une certaine saisonnalité et réduire en impact », anticipe Bruno Lina. Selon ce virologue, « progressivement, ce virus devrait perdre en pouvoir pathogène, en virulence et évoluer lentement pour devenir un virus banal ».
On passerait alors à une phase endémique, et non plus à une pandémie. « Les variations sont alors beaucoup plus faibles et les quelques épidémies restent localisées et transitoires. On resterait avec une circulation à bas bruit de façon relativement constante », détaille Mircea Sofonea.
Les cas sévères et critiques pourraient être prévenus par le vaccin mais la circulation du virus avec ses symptômes plus légers devraient continuer, y compris pour les Covid longs. « Ça rajouterai le SARS-CoV-2 dans le groupe des coronavirus endémiques qui circulent chaque hiver et qui causent des rhumes », ajoute ce spécialiste des épidémies.
« Les épidémies seraient alors saisonnières », confirme l’épidémiologiste Yves Buisson, un peu comme on le voit avec la grippe. Dans le cas de cette hypothèse, des doses de rappel peuvent être mises en place pour éviter les cas graves et certaines mesures barrières, pourraient demeurer nécessaires.
Cette hypothèse est la plus probable. « On est sûr que cette option arrivera sur le long terme », explique Bruno Lina. L’immunologue Alain Fischer, coordinateur de la stratégie française sur la vaccination avait d’ailleurs évoqué en avril 2021 que cette hypothèse était « hautement plausible ». Mais « personne n’est en mesure de dire quand on s’acheminera vers ce scénario », ajoute Yves Buisson. La différence de temporalité, selon lui, se jouera en fonction du niveau de l’immunité collective acquise au niveau international. « Ce n’est certainement pas dans deux mois mais probablement pas dans cinq ans non plus. Ça devrait se passer dans l’année ou les deux ans qui viennent », pense Bruno Lina.
3. La disparition totale du virus : très improbable
L’hypothèse la plus favorable serait l’éradication du virus afin qu’il devienne un lointain souvenir. Dans l’histoire des pandémies, cela s’est déjà vu. La vaccination a déjà permis que la variole disparaisse par exemple, et la polio est sur le point de disparaître également. Mais cette option est vraissemblement hors de portée dans le cas du Covid-19.
« Le virus ne va pas disparaître, on va le garder avec nous de la même façon qu’on a gardé d’autres coronavirus qui causent des rhumes », prévient Bruno Lina.
« On ne pourra pas l’éradiquer », abonde Yves Buisson, notamment car le cas de la variole est « exceptionnel ». « La variole est le seul exemple de maladie infectieuse qu’on a pu faire disparaître, notamment car le vaccin est très efficace sur l’infection et la transmission, car il n’y a pas de mutant et quand il n’y a pas de réservoir animal », détaille Mircea Sofonea.
Autant de propriétés que l’on ne retrouve pas dans le virus étant à l’origine du Covid-19. Les vaccins dont nous disposons actuellement, même s’ils restent très efficaces pour éviter les formes graves et doivent donc être administrés le plus possible pour contrôler l’épidémie, n’empêchent pas totalement l’infection et la transmission.
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Comme évoqué plus haut, la capacité du virus à muter entrave également la possibilité d’une disparition. « Ce virus a une capacité d’adaptation comme les virus grippaux, donc il réapparaîtra », prévient Yves Buisson. Enfin, le nombre important de personnes asymptomatiques mais contagieuses rend complexe le contrôle du coronavirus et donc son hypothétique fin définitive. On risque donc bien d’entendre parler du coronavirus encore pour longtemps.
Ouest France