Depuis quelques temps c’est devenu une tradition ou même une coutume. Chaque institution affiche les effigies de tous les responsables qui se sont succédés à la tête de cette institution. C’est en quelque sorte une sauvegarde la mémoire de l’institution. Exercice difficile pour un pays où généralement, les archives des administrations publiques finissent comme emballages des sandwichs de la vendeuse sénégalaise, ou pour les beignets de la vendeuse voilée de Guinée.
Les archives de la Mauritanie sont en perdition. Depuis que des bédouins se sont infiltrés dans les rouages de l’Etat (1966), date du début de tous les malheurs pour ce pays qui a basculé sans aucune forme de procès dans une arabisation à outrance, les fonctionnaires recrutés sur des pressions tribales ou raciales ont fait des archives de nos instituions leur dernier souci.
Un jour, pour l’institution pour laquelle je travaillais je m’étais rendu au Ministère de la Santé pour chercher un document d’une importance capitale. J’ai été redirigé au sous-sol du bloc du département où les archives étaient déversées dans un sens dessus-dessous épouvantable. Au sous-sol mal éclairé, au milieu du tas des archives, un planton faisait du thé destiné à la vente dans les couloirs du ministère.
A la recherche de mon document, moi d’un côté, je fouillais dans les classeurs empilés dans un désordre épouvantable, et de l’autre côté, des « goueiras », ces chèvres laitières qui envahissaient les blocs broutaient dans les documents déversés à même le sol.
Depuis ce jour-là, je ne pouvais pas penser qu’ailleurs dans une autre institution publique quel qu’elle soit, les archives pouvaient connaitre meilleur sort ce qui détruit la mémoire du passé de notre pays.
Des portraits qui racontent un passé glorieux.
Pourtant cette mémoire on peut parfois la retrouver dans certains établissements publics. Par exemple à la Chambre de Commerce et de l’Industrie de notre pays. Sur l’une des façades du mur du Hall de l’entrée de cet établissement sont exposés les portraits des responsables qui ont dirigés cette honorable institution depuis l’indépendance de notre pays en 1960.
Ils sont au nombre de huit. Huit hommes, huit personnalités publiques des plus célèbres de ce pays. Les noms de ces huit responsables à eux-seuls resonnent comme le chant de la noblesse de cette vraie administration laissée en héritage par le premier gouvernement de ce pays, héritage dont malheureusement les vestiges ont disparus au fil fu temps effrités par la mauvaise gouvernance des responsables de cette nouvelle génération de commis de l’Etat minés par la corruption, la gabegie et l’ignorance et l’irresponsabilité.
Des maures et des noirs espèce en voie de disparition.
Celui qui tient la tête des huit est un grand chef. Même un très grand chef. Son nom évoque la grandeur, la noblesse, la valeur aristocratique et morale de la politique de ce pays. Sa signature est apposée sur l’acte officiel proclamant la fondation de la République Islamique de Mauritanie, acte qui finalisait la délibération 284 du 28 novembre 1958 donnant naissance à ce pays aujourd’hui malade souffrant de convulsions multiples.
C’est Sidi El Mokhtar N’Diaye né à Atar en 1916, et décédé à Saint-Louis du Sénégal en 1997. Dans la réalité, même si on ne le dit pas, ou on ne veut pas le dire, Sidi El Mokhtar N’Diaye est le Père fondateur de la nation. Celui qui était à la fois un noir et un blanc deux couleurs confondues dans l’expression réelle de l’unité nationale dort en paix à l’au-delà depuis 1997. Premier président de notre Assemblée Nationale de mai 1959 à mars 1961 il été le premier président de la Chambre de Commerce et de l’Industrie de notre pays de 1962 à 1966.
En 1966, Sidi El Moctar N’Diaye, passe le témoin à Ahmed Ould Daddah. 82 ans cette année, originaire de Boutilimit, licencié en sciences économiques (Paris), Diplôme d’Etudes Supérieures obtenu au Sénégal, Gouverneur de la Banque Centrale de Mauritanie de 1973 à 1978, Ministre des Finances et du Commerce de 1978 à 1978, expert et spécialiste en économie. Premier fonctionnaire mauritanien au sein de la Banque mondiale, Ahmed Ould Daddah est l’un des rares mauritaniens qui n’ont jamais été durant toute leur carrière impliqués, ni de près ni de loin dans une malversation quelconque, ni dans un détournement de deniers publics ou qui ont été accusés d’une malhonnêteté morale ou intellectuelle quel qu’elle soit tout au long de leur parcours professionnel et politique. Ahmed Ould Daddah est né honnête, sage, consciencieux et il le restera jusqu’à la fin de ses jours.
Et comme à la tête de cette honorable institution, les présidents se suivent et se ressemblent, un autre mauritanien d’une très grande valeur morale prendra le relai d’Ahmed Ould Daddah. Mohamed Salem Ould M’Kheitratt. Un homme d’une valeur nationale inestimable. Peu connu du grand public, Ould M’Khaitratt c’est une valeur ajoutée à la bonne gouvernance des années dorées de l’administration mauritanienne. Ministre de l’époque des grands pionniers de l’Administration postcoloniale, Mohamed Salem Ould M’Kheitratt, a écrit en lettres d’or son nom sur la liste des mauritaniens appartenant à cette classe d’une grande valeur morale et intellectuelle. Son nom résonne encore en échos dans les couloirs de cette auguste institution.
Et, comme aussi, la Chambre de Commerce et de l’Industrie de notre pays est une lignée de personnalités mauritaniennes de grandes valeurs morales, intellectuelles et professionnelles, Ould M’Kheitratt a, à son tour passé le témoin très propre à Bâ Abdel Aziz, ancien ambassadeur (que sa mémoire repose en paix). Si je devais décrire le profil de cet homme, Il me manquerait toujours des mots qualificatifs pour dessiner le portrait d’un homme pas comme les autres. Généreux, très honnête, Bâ Abdel Aziz était un homme dont la grandeur sociale était immense et connue de tous.
Cinquième sur la liste de ces mauritaniens de renommée qui ont marqué de leur encre indélébile le passé glorieux de la Chambre de Commerce et de l’Industrie, Yahya Kane. Parlementaire, administrateur, homme politique, M. Kane Yahya est l’un des hommes clés de l’accession de notre pays à l’indépendance. Elu député du Guidimagha en 1951, M. Kane a depuis cette date joué un rôle déterminant dans la vie politique et administrative de notre pays.
C’est lui qui disait, s’adressant à la génération actuelle : « les aînés se sont sacrifiés pour ce pays. Ils n’avaient en tête que l’intérêt général et ne cherchaient point à s’enrichir. Nous sommes tous sortis des affaires publiques, la tête haute. Nous n’étions mus que par l’intérêt national et le développement de ce pays. Souhaitons que nos cadets prennent la relève ».
Elu peu avant l’indépendance sur la liste du parti l’UPM (Union progressiste de Mauritanie) de Sidi El Moctar N’Diaye, Kane Yahya avait joué dans sa jeunesse un rôle déterminant dans la lutte pour l’indépendance de notre pays.
Fils d’un éminent Cadi, Kane Yahya était un mauritanien confondu à la fois dans sa communauté négro-africaine et dans celle de arabo-berbères par un comportement qui a été déterminant dans la recherche d’une cohésion nationale.
Yahya Kane a présidé la Chambre de Commerce de 1984 à 1986. Il a passé les commandes à Hamoud Ould Ahmedou, ancien ministre, ancien président de l’Assemblée nationale, ancien membre du Bureau Politique National, l’un des pionniers de la Mauritanie poste-coloniale et naissante.
Hamoud Ould Ahmedou est un homme honnête, élevé dans la pure tradition de la bonne éducation aristocratique. Compétent, conscient et responsable, il avait propulsé la Chambre de commerce vers de horizons nouveaux qui tranchaient avec les méthodes dépassées pour créer un environnement favorable au développement de l’Institution. Il était resté à la tête de l’institution de 1987 à 2003.
Dans la logique de la continuité dans la voix du développement, il avait passé le témoin à Mohamed Ould Mohamed Mahmoud ancien ministre qui présidera aux destinées de cette institution publique jusqu’à 2017. Apres deux mandats qui ont propulsé la Chambre de Commerce dans l’ère du développement des technologies de la communication et de l’information, Ould Mohamed Mahmoud passe le témoin à Ahmed Baba Ould ELEYA.
C’est à Mohamed Ould Mohamed Mahmoud que la Chambre de Commerce doit la principale innovation qui avait créé douze commissions techniques ce qui a permis l’adhésion d’un très grand nombre de jeunes entrepreneurs et l’attrait d’opérateurs économiques étrangers qui ont bénéficié du statut de partenaires à part entière.
Mohamed Ould Mohamed Mahmoud avait réussi à transformer profondément la Chambre de Commerce en faisant d’elle un outil susceptible d’épauler le développement du pays, à jouer pleinement son rôle d’interface public/privé, et à même de donner une nouvelle impulsion au secteur privé, notamment, à travers un plan stratégique.
Et pour boucler la boucle en beauté, la Chambre de Commerce a été confiée à Ahmed Baba Ould ELEYA qui a poursuivi avec la même dynamique que ses prédécesseurs, l’élan impulsé par Mohamedou O/ Mohamed Mahmoud en la rendant encore plus forte et plus proche des entreprises, dynamique, et en faisant d’elle un outil de proximité ouvert sur le partenariat public-privé.
Aujourd’hui, après Maurice Compagnet (Français qui a présidé cette Chambre de 1958 à 1962), l’Institution est entre de très bonnes mains. Elle est présidée depuis le départ d’Ahmed Baba Ould ELEYA par Cheikh Avia Ould Mohamed Khouna.
Un passé, mais aussi un présent pour préparer un futur.
Cheikh Avia Ould Mohamed Khouna (68 ans cette année) est né au fin fond de la Mauritanie dans la Wilaya du Hodh Ech Chargui. Brillantes études ? Cheikh El Avia a été ministre des Pêches et de l’Économie maritime en 1995.
Il a été Premier ministre de la Mauritanie de 1996 à 1997, puis ministre des Affaires étrangères du 12 juillet 1998 au 16 novembre 1998. Il avait été renommé Premier Ministre de 1998 à 2003. Issus d’une famille aristocratique de grande renommée, c’est un homme extrêmement honnête, incorruptible, à la fois admiré et respecté pour sa très bonne éducation par tous les mauritaniens.
La Chambre de commerce de la Mauritanie a raconté une belle histoire de 1962 à cette date. Une histoire de bonne gestion et d’avancées significatives dans le processus de développement de notre pays. Mais surtout son Histoire nous rappelle un passif administratif qui nous encourage à croire que la Mauritanie peut si elle le veut avoir des institutions fortes, respectables et respectée.
A cette date huit (8) personnalités politiques et publiques ont défilés à la tête de cette institution en réussissant toujours en soixante deux (62 ) ans d’existence à la faire avancer loin des malversations, loin des détournements et des pillages de ressources, et cela dans les règles de l’art de la gestion saine des moyens de l’Etat.
Durant la même période soixante et un ministres se sont succédés à la tête du Ministère de l’Equipement et des transports, laissant derrière eux une gestion plus catastrophique pour les uns que pour les autres.
Mohamed Ould Chighali
Journaliste indépendant