Le Chef de l’Etat, Macky Sall, procédant à l’ouverture du Sommet du bassin sédimentaire de la Mauritanie, du Sénégal, de la Gambie, de la Guinée-Bissau et de la Guinée Conakry, a soutenu qu’il n’y a pas de malédiction du pétrole
Le Chef de l’Etat, Macky Sall, procédant à l’ouverture du Sommet du bassin sédimentaire de la Mauritanie, du Sénégal, de la Gambie, de la Guinée-Bissau et de la Guinée Conakry (Msgbc Oil, Gas & Power Summit), a soutenu qu’il n’y a pas de malédiction du pétrole ou d’autres ressources naturelles. Pour lui, ce scénario est évitable si la volonté politique existe. Il propose de relever certains défis pour une bonne exploitation de ces ressources au Sénégal et dans la zone.
Le Sommet du bassin sédimentaire de la Mauritanie, du Sénégal, de la Gambie, de la Guinée Bissau et de la Guinée, communément appelé « Msgbc Oil, Gas & Power Summit » a été ouvert, hier, au Centre international de conférences Abdou Diouf (Cicad) de Diamniadio. Cette rencontre est l’occasion de discuter des enjeux du secteur énergétique, notamment de l’exploitation du pétrole et du gaz dont regorge le riche bassin sédimentaire des pays de la sous-région.
Présidant la cérémonie d’ouverture de ce sommet, en présence des ministres en charge de l’Energie des pays cités, le Président Macky Sall a souligné, contrairement à ce que beaucoup pensent, qu’« il n’y pas de malédiction du pétrole ».
Après avoir salué le bel exemple de coopération entre le Sénégal et la Mauritanie pour l’exploitation du champ gazier Grand Tortue Ahmeyim (Gta), il a relevé que « cela veut dire qu’il n’y a ni fatalité, ni malédiction du pétrole, des ressources, ni concurrence ruineuse, si la volonté politique existe de part et d’autre ».
Pour lui, ce modèle de coopération dans le domaine permet d’assurer une exploitation équitable et apaisée des gisements transfrontaliers. « C’est un excellent exemple de collaboration qui montre ce que nous pouvons réaliser ensemble, en parfaite intelligence, dans un domaine aussi complexe et en association avec un partenaire majeur, en l’occurrence Bp », s’est réjoui le Président Macky Sall.
Pour lui, la coopération est devenue une nécessité, car les importantes découvertes faites ces dernières années confirment clairement que le bassin Msgbc recèle un potentiel en ressources gazières et pétrolières de classe mondiale.
Cependant, pour une bonne exploitation de ces ressources, il est d’avis qu’il y a des défis à relever. Le premier est lié aux conditions et modalités d’exploration et d’exploitation de nos ressources.
Il fait noter que « de l’exploration aux premiers barils de pétrole ou mètres cubes de gaz, les efforts d’investissement et de recherches sont énormes, coûteux et complexes, avec des risques tout aussi réels de ne rien trouver après ». Compte tenu de ce risque, le Président sénégalais a évoqué la nécessité pour nos pays d’attirer des partenaires financièrement et techniquement fiables, sur la base d’une législation claire, qui sécurise l’investisseur et protège les intérêts de nos pays.
Pour cela, il a affirmé qu’il a, entre autres ambitions à l’Union africaine (Ua), de permettre au continent d’avoir une législation harmonisée aussi bien dans le domaine pétrolier que minier « afin d’éviter la compétition ruineuse entre pays afin d’attirer les investisseurs ».
« Dans le pétrole, ceux qui parlent ne connaissent pas … »
L’autre défi, a poursuivi le Président Sall, porte sur la formation de ressources humaines qualifiées. « Les métiers du pétrole et du gaz sont multiples et aussi complexes les uns que les autres. C’est une invite à la sérénité et à la modestie dans l’approche des problématiques aussi complexes que l’exploration et l’exploitation du gaz et du pétrole.
Pour défendre les intérêts de nos pays dans ce domaine, il nous faut former des ressources humaines de qualité à tous les niveaux », a insisté Macky Sall, citant l’Institut national du pétrole et du gaz (Inpg). Ainsi, ceux qui connaissent pourront parler et agir chacun dans son domaine de compétence. Malheureusement, a-t-il constaté, dans le pétrole, « ceux qui parlent ne connaissent pas et ceux qui connaissent ne parlent pas ».
L’exploitation de ces ressources suppose aussi l’implication des acteurs locaux. De ce fait, Macky Sall pense que l’autre enjeu de l’exploitation réside dans la nécessité pour les secteurs privés de nos pays d’associer leurs moyens pour bénéficier des opportunités que leur offre la législation sur le contenu local. Sur ce point, il a révélé que pour la réalisation de la plateforme pétrolière du Port de Dakar, il était obligé d’inviter les acteurs sénégalais à travailler ensemble dans un consortium.
Profiter de l’expérience des autres pour ne pas commettre les mêmes erreurs
Abordant l’importance de ce sommet, le Président Macky Sall a vivement encouragé l’échange d’expériences et de bonnes pratiques dans ce domaine. Il est d’avis que le Sénégal peut s’inspirer de l’expérience des grands pays africains qui ont commencé l’exploitation du pétrole depuis plus de cinquante ans, comme le Nigéria, l’Angola, le Congo, l’Algérie. Ce qui permettrait, dit-il, d’apprendre aussi de leurs erreurs pour les éviter.
Macky Sall sur la transition énergétique
« Nous ne pourrons pas renoncer à nos sources d’énergie fossile »
La transition énergétique est une question qui tient à cœur le Chef de l’Etat depuis la Cop26 de Glasgow qui a préconisé de ne plus financer les énergies fossiles dont le gaz. Commentant le thème du Sommet qui suggère de réfléchir sur « les énergies du futur, notamment comment financer une transition énergétique juste, équitable et inclusive », Macky Sall a indiqué qu’il faut aussi réfléchir sur comment atténuer l’exploitation des énergies fossiles dans cette transition. Il a martelé que « de toute façon, nous ne pourrons pas renoncer à nos sources d’énergie fossile ». « Ce que nous demandons, et qui est tout à fait légitime, c’est de définir un consensus convenable dans l’agenda international autour d’une transition énergétique qui tient compte de nos besoins spécifiques de pays en développement à faible émission, en quête d’émergence et d’accès universel à l’électricité », a-t-il proposé. À son avis, « c’est une question de justice climatique », parce qu’« on ne peut pas accepter qu’on demande à l’Afrique de cesser d’exploiter les énergies fossiles ».
Toutefois, à côté de l’exploitation du gaz et du pétrole, Macky Sall a reconnu qu’il faut aussi rendre compétitive l’énergie renouvelable pour les besoins de développement de l’Afrique. Il a pensé qu’en dépit de nos contraintes et de nos faibles moyens, nos pays peuvent aussi être des champions de l’énergie propre, pleinement engagés dans la lutte contre le changement climatique. Sur cette question, il a affirmé que le Sénégal, qui est parti de loin, est aujourd’hui à 166 Mw d’énergie solaire effectivement installés. Grâce aux réalisations déjà effectives, a-t-il indiqué, « l’énergie propre constitue aujourd’hui plus de 32% des capacités installées au Sénégal ». À l’en croire, ce taux sera relevé avec l’important projet d’électrification solaire de 1000 villages, financé à hauteur de 75,45 millions d’euros (49,41 milliards de FCfa) grâce au soutien du Fonds vert climat, en partenariat avec la Banque ouest africaine de développement (Boad).
Vers l’érection d’une deuxième Muraille verte en Afrique australe
Pour faire face au changement climatique, Macky Sall, futur président de l’Union africaine (Ua), est pour la réalisation d’une deuxième muraille verte. Après la Grande muraille Verte allant du Sénégal à Djibouti, il compte proposer une duplication du projet en Afrique australe, au Sud du Kalahari. Celle-ci sera moins longue que la première muraille verte et devrait partir de la Namibie jusqu’au Mozambique, a confié le Chef de l’Etat.
Les ministres sectoriels font échos des « bonnes perspectives »
Présents à la Conférence-exposition Msgbc Oil & Power, les ministres en charge du Pétrole et des Energies du Sénégal, de la Mauritanie et de la Gambie ont fait l’état des lieux des projets nationaux. Pour eux, les perspectives sont bonnes au sein du bassin sédimentaire. Ainsi, ils ont invité à la poursuite de l’exploitation des énergies fossiles afin de permettre au continent noir de rattraper son retard dans le secteur de l’électricité, des industries, etc.
L’ouverture de la première édition de la Conférence-exposition « Msgbc Oil & Power » a été suivie d’une série de panels. L’un d’eux a réuni les ministres sectoriels du Sénégal, de la Mauritanie, de la Gambie et de la Guinée Bissau. Il était axé sur l’état des lieux dans les différents pays et les perspectives d’exploitation et de production.
Sur ces différents aspects, le Sénégal est dans une bonne dynamique, selon le Ministre du Pétrole et des Énergies, Aïssatou Sophie Gladima. Citant deux projets phares que sont Grand Tortue Ahmeyim, à cheval entre le Sénégal et la Mauritanie, et Sangomar, elle a réitéré son optimisme quant aux ambitions du Sénégal de produire ses premiers barils dès 2023. « Le projet Grand Tortue Ahmeyim avance très bien dans ces trois phases.
Sangomar est dans une belle dynamique, le forage de puits prometteurs a été réalisé avec succès. D’ici 2023, nous aurons les premières productions qui contribueront à améliorer l’accès à l’électricité et à l’amélioration des conditions de vie des populations », a souligné Mme Gladima. Les autres bonnes perspectives, à ses yeux, sont l’implication de l’expertise nationale à travers la loi sur le contenu local.
« Beaucoup de jeunes africains ont réussi. L’expertise africaine est en train de se développer. En l’espace d’un mois, plusieurs d’entre eux ont été formés. Ils ont pu fabriquer des caissons de qualité et d’autres ouvrages requérant d’autres compétences.
Nous allons davantage permettre aux entrepreneurs de participer et permettre au pays de profiter des retombées », a ajouté le Ministre du Pétrole et des Énergies. À sa suite, son homologue mauritanien, Abdessalam Ould Mohamed Saleh, a évoqué la situation de son pays concernant l’exploitation des ressources naturelles.
À l’en croire, les projets connaissent d’importantes avancées, notamment dans le cadre du projet Gta. « Nous exploitons le plus rapidement possible les ressources gazières dont nous disposons. Elles nous offrent aujourd’hui plusieurs opportunités concernant plusieurs secteurs tels que l’agriculture, les industries et le transport », a informé le Ministre mauritanien.
La Gambie est dans une phase d’exploration. Même si d’importantes découvertes ne sont pas enregistrées pour le moment dans ce pays, le Ministre du Pétrole et de l’Energie, Fafa Sanyang a estimé que les perspectives sont bonnes avec les résultats de recherches attendus.
«Nous sommes un pays prometteur même si nous n’avons pas encore connu d’importantes découvertes. Les opérations de forage en cours devraient livrer leurs résultats la semaine prochaine. Pour le moment, nous sommes optimistes et profitons de l’expérience des pays tels que le Sénégal à travers la coopération », a souligné le Ministre gambien.
Permettre à l’Afrique de refaire son retard
Pour le Ministre mauritanien, Abdessalam Ould Mohamed Saleh, si l’Afrique est en retard sur le plan énergétique, c’est parce qu’elle a tardé à en faire sa priorité. Aujourd’hui, indique-t-il, le continent doit œuvrer à rattraper le temps perdu.
« Nous avons encore besoin de l’énergie fossile pour industrialiser nos pays et accélérer notre développement, car nous avons des priorités telles que l’électrification de nos zones reculées et l’accès universel à l’électricité dans les 4 ou 10 prochaines années. Ce qui nous permettra de rattraper notre retard », a souligné le Ministre mauritanien. Il espère qu’à cet horizon, son pays pourra passer au développement de l’hydrogène qu’il considère comme « l’énergie du futur ».
Aïssatou Sophie Gladima est du même avis. D’après elle, le monde doit permettre à l’Afrique de s’adapter et se mettre à niveau à travers l’utilisation de l’énergie fossile. « Nous ne vivons pas les mêmes situations. Il n’y a pas un seul pays où l’énergie renouvelable doit remplacer les énergies fossiles.
D’ici une cinquantaine d’années encore, les énergies fossiles vont encore exister. Durant cette période, l’Afrique doit se mettre à niveau et s’adapter. Une fois que nous serons au même niveau, nous pourrons procéder au remplacement total en fonction des avancées technologiques », a-t-elle plaidé.
Appel à poursuivre l’utilisation des énergies fossiles
Rien ne doit arrêter un continent qui a su être résilient face aux vagues de la Covid-19, selon le président exécutif de la Chambre africaine de l’énergie, Nj Ayuk. Ainsi, il a appelé à la poursuite de l’utilisation des énergies fossiles malgré les menaces qui pèsent sur leurs financements.
« L’avenir de ce bassin dépend du pétrole et du gaz. Donc ne baissons pas les bras. Il ne faut pas renoncer, il ne faut pas reculer devant les menaces qui pèsent sur les financements », a-t-il lancé. Cette exploitation participe, à ses yeux, à la réduction de la pauvreté, à la promotion de l’emploi et à une plus importante intégration des femmes et des jeunes. « Il est temps de s’unir pour un avenir radieux », a-t-il soutenu.
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