– « Ma plus grande satisfaction a été de contribuer à faire du peuple sénégalais, une nation », relevait fièrement Senghor, quelques jours après avoir renoncé au pouvoir
Une gerbe de fleurs posée au cimetière Bel Air, une messe à la cathédrale de Dakar … Le parti socialiste (PS) du Sénégal a rendu, lundi, hommage à Léopold Sédar Senghor, son fondateur décédé le 20 décembre 2001 en France.
Né le 9 octobre 1906 à Joal (région de Thiès, centre ouest), Senghor est le premier président de la république du Sénégal entre 1960 et 1980 grâce notamment à cette formation politique qu’il a créée en 1948 et qui a dirigé le pays entre 1960 (année de l’indépendance) et 2000.
Il s’est à nouveau consacré, jusqu’en 1993, à la production d’œuvres littéraires cristallisées sur le concept de la négritude.
Reclus durant les dernières années de sa vie en France où il mourut à 95 ans, il s’est abstenu du moindre commentaire sur la gestion du pays par son successeur qu’il avait lui-même choisi.
Homme de lettres doublé d’un poète, le président Senghor a marqué au fer rouge son passage à la tête de l’État sénégalais mais également à la francophonie et dans la littérature africaine.
« Je salue la mémoire du Président Léopold Sédar Senghor. Intellectuel, un des plus grands poètes du 20ème siècle. Homme d’Etat, le premier président du Sénégal est avec ses compagnons le bâtisseur de l’Etat moderne du Sénégal », a indiqué le président Macky Sall sur twitter.
« Assurément, votre éminente action à la tête de l’Etat vous installe dans l’Histoire, au banquet des bâtisseurs des nations. De vos mains d’orfèvre, vous avez forgé un Etat stable et vous avez façonné, dans la concorde, une nation sénégalaise saine, respectée qui a fait rayonner sa culture et qui s’est donnée un système politique propre enraciné dans ses traditions de liberté, de démocratie et d’honneur », avait témoigné en 2006 son successeur à la tête de l’Etat Abdou Diouf, en ce temps président de l’organisation internationale de la francophonie.
– Faire du peuple sénégalais une nation
« Ma plus grande satisfaction a été de contribuer à faire du peuple sénégalais, une nation et, comme telle, reconnue dans le monde. C’est aussi d’avoir contribué à créer, dans notre pays, une nouvelle littérature, un nouvel art et une nouvelle philosophie », relevait fièrement le président poète dans un entretien avec le quotidien national, Le Soleil, quelques jours après son départ de la tête de l’Etat sénégalais qu’il a dirigé entre 1960 et 1980.
Contre toute attente, Senghor s’est volontairement déchargé le 31 décembre 1980 de ses charges présidentielles à trois années de la fin de son cinquième mandat alors qu’il avait 74 ans. Un fait inédit sur un continent où la tendance est de s’éterniser au pouvoir.
« Léopold Sédar Senghor a posé les bases d’un État démocratique et il a su quitter le pouvoir élégamment », a insisté Ibou Fall, auteur de l’œuvre ‘’Senghor, sa nègre attitude’’ dans un entretien avec Jeune Afrique.
Homme politique, Senghor a tour à tour été député, maire, ministre conseiller, membre de l’Assemblée parlementaire du conseil d’Europe avant d’être élu en septembre 1960 président du Sénégal.
A la faveur d’une crise institutionnelle née d’une dissension avec Mamadou Dia, président du Conseil, Senghor dissout cet organe pour mettre en œuvre un régime purement présidentiel.
Beaucoup d’analystes considèrent cet épisode ayant abouti à la condamnation de Mamadou Dia et quatre autres ministres à 20 ans de prison comme la première dérive du régime de Senghor.
Au total c’est un magistère tranquille qu’il aura vécu en 20 ans hormis l’année 1968 marquée par une grève générale des travailleurs et des étudiants de l’université de Dakar qui ont failli faire péricliter le régime.
– Premier Africain à l’Académie française
Auteur de plusieurs recueils, Senghor a intégré l’Académie française en juin 1983 devenant ainsi le premier Africain à siéger à cette institution. Il a été vice-président du Haut conseil de la Francophonie dont il fut un des principaux initiateurs.
Le concept de négritude qu’Aimé Césaire, son principal allié dans cette voie, définit comme « la simple reconnaissance du fait d’être noir, et son acceptation » a été la trame de l’œuvre poétique de Senghor.
« L’émotion est nègre, la raison hellène », affirmait Senghor dans ses écrits, récoltant des critiques acerbes de la part d’autres écrivains noirs.
« Le tigre ne crie pas sa tigritude », faisait remarquer en cela l’écrivain nigerian Wolé Soyinka, assurant que le félin se faisait juste reconnaître par l’action.
Au Sénégal même, des figures comme Mamadou Dia et l’historien Cheikh Anta Diop ravissent à Senghor le statut de modèle pour une jeunesse en quête d’affranchissement de la tutelle de la France.
Qu’à cela ne tienne, l’image du président poète qui a perdu deux de ses trois enfants avant sa mort (l’un en 1981 l’autre en 1983) inspire toujours, 20 ans après son décès, principalement du fait de son renoncement au pouvoir.
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