Le récent discours prononcé par le Président mauritanien Mohamed Ould Cheikh Ghazouani, à l’occasion de la célébration du 61ème anniversaire de l’indépendance nationale, continue de susciter des remous et des déceptions dans la classe politique.
La dernière réaction par rapport à cette allocution de l’homme fort de Nouakchott, qui devait prôner l’apaisement politico-social au même degré que répertorier des acquis qui ne font pas l’unanimité de de tous mauritaniens, sinon ne sont pas prioritaires par rapport à des questions d’avenir primordiales voire vitales et décisives, surtout que le discours, n’est pas seulement intervenu à un moment de profond chagrin pour des centaines de milliers de citoyens mais également au lendemain de brutalités policières commises à Bababé sur des paisibles mauritaniens, a été celle du président des Forces Pour le Changement (FPC), Samba Thiam.
Ghazouani n’avait malheureusement pas osé regarder en face l’amère vérité des yeux, prendre le courage à ses mains et dire comme le Général de Gaulle « je vous ai compris », quoiqu’il évitera de rentrer dans les détails, pour que ce discours nourrisse le suspens autour d’un espoir qui reste encore présent malgré plus de 20 ans d’attente.
« J’ai lu le discours d’anniversaire du Président de la république. J’avoue être resté sur ma faim, une fois de plus. J’attendais quelque chose de solennel, de grande portée qui ressemblerait à une annonce qui pose une vision… J’avais espéré un discours du genre, je vous ai compris », écrit le leader omniprésent des ex Flam et des FPC dans ce qu’il a intitulé « Radioscopie du discours du 28 Novembre du Président Ghazouani ».
Samba Thiam, à ne pas prendre comme un leader politique mû par des intérêts étroits, mais au contraire, un activiste irréductible de la Mauritanie égalitaire, une et indivisible, a même révélé dans sa radioscopie, l’allocution qu’il aurait souhaitée entendre et qu’il entendra à coup sûr un jour, dés lors où la Mauritanie est plus que jamais à la croisées des chemins pour décider un destin d’unité où aller, bon gré mal gré, en rangs dispersés.
Mais avant de revenir sur ce discours songeur, le leader des FPC, fidèle à l’esprit de « la lutte continue », s’adonne l’exercice objectif de peindre à la va-vite, mais sans exagération, le portrait en miniature de la Mauritanie de l’heure:
Je reconnais qu’une minorité accapare les ressources et les richesses nationales au détriment de la majorité qui souffre ; je vous promets d’y mettre fin ! Je perçois à sa juste mesure la gravité de la tension sociale et de la fracture dans notre vivre-ensemble ; je m’engage à y faire face, résolument, afin que chaque communauté, chaque citoyen se sente pleinement mauritanien. Je m’engage à mettre fin tant aux pratiques népotistes qu’au désordre général et à l’impunité. Plus jamais des jeunes, des hommes et des femmes ne se verront molestés parcequ’ils ont manifesté, pacifiquement, pour réclamer leurs droits ».
Voilà ce que j’aurais aimé entendre.
Mais rien de tout cela. Rien sur la question des terres -objet de tensions vives-, rien sur l’esclavage traitée avec complaisance, rien sur la souffrance des populations qui croît chaque jour que Dieu fait. A la place, un bilan sans épaisseur ni couleur, presque chétif, décliné, comme par excuses, apparaissant, sur bien des plans, sous forme de vœux ou de promesses. Des réalisations plutôt sociales, des perspectives dressées, certes, mais abordées d’une manière décousue, portant sur des aspects sectoriels, sans lien…
Je crois, pour ma part, que le Président passe à côté de l’essentiel … Même sur les dossiers qu’il aborde frontalement, telle la lutte contre la corruption, il y’a à redire… Ainsi parle-t-il « d’instaurer la bonne gouvernance et de lutter contre la corruption ». Notez la conjonction de coordination ….qui laisse supposer que le rapport, profond, entre les deux termes semble échapper …
Il parle de cette lutte contre la corruption sans le ton de fermeté nécessaire et pire, réduit la portée de la mesure par un mauvais message envoyé simultanément : « il ne faut pas transformer cette lutte contre la corruption en un règlement de comptes ». C’est la brèche ouverte qui tempère non seulement la portée de la décision que les filous ne manqueront pas d’exploiter, à fond, pour se protéger, mais qui, surtout, risque de géner les limiers, scrupuleux ou frileux de se voir accusés de partis pris … Bref, la mesure donne l’impression d’être prise, juste pour faire semblant, comme d’habitude, mais sans grande conviction …
Au juste, pendant qu’on y est, pour convaincre les sceptiques et rassurer sur le sérieux de l’intention, pourquoi ne commencerait-on pas tout de suite avec ce qui est avéré, dans un passé récent, être de l’argent blanchi, massivement, ou issu de corruption ou de détournement des déniers publics ? Qu’est- ce qui empêche l’exploitation immédiate des derniers rapports de la Cour des Comptes ?
Parce qu’il manque de vision d’ensemble, le Président se trompe manifestement de diagnostic sur bien des secteurs … Ainsi, ce n’est pas tant l’indépendance judiciaire qui est en cause, que le matériau ; Ce qui est en cause c’est le manque de sérieux dans ce que nous faisons, le goût, perdu, du travail lui-même et du besoin d’ordre, l’absence de scrupules de conscience torturée, c’est tout cela qui a déserté nos administrations ! Il ne perçoit pas, toujours, que c’est le tout qui s’est écroulé, dont le secteur Judiciaire, de la Santé et de l’Education. C’est l’Etat, lui-même, qui est devenu déliquescent ou qui n’existe plus, pour reprendre Isselmou. Il perd de vue qu’il faut, pour redresser les choses, redresser tout l’ensemble en même temps …sinon c’est peine perdue !
Je note, enfin, dans ce discours que le Président est, à nouveau, revenu sur le climat d’apaisement ayant prévalu et permis la gestation de l’initiative pour des concertations ; ce climat s’est manifestement évanoui maintenant avec la série de répressions de ces derniers temps qui se sont abattu sur des manifestants pacifiques.
Il qualifie ce « dialogue » en perspective d’inclusif et sans tabou, mais passe sous silence, à nouveau, le sort réservé aux conclusions qui en découleraient. Omission importante pour ne pas dire capitale qui, pour se répéter, fait tout de même tiquer…
Samba Thiam
29 novembre 2021.