Au Sénégal, les élections législatives anticipées ont fait du Pastef le premier parti du pays. Le tandem formé par le président, Bassirou Diomaye Faye, et le Premier ministre, Ousmane Sonko, a désormais les coudées franches pour accomplir son programme. Mais attention, avertit “Sud Quotidien”, il ne s’agit pas de décevoir les espoirs des Sénégalais, avides de changements et d’améliorations.
Ce soir [du 18 novembre], Dakar ne célèbre pas encore une victoire définitive. Elle observe, en attente. Les résultats provisoires des élections législatives indiquent une tendance forte : le Pastef [Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité], déjà au pouvoir, semble en passe d’obtenir une majorité parlementaire [si les résultats ne sont pas encore définitifs, le parti présidentiel obtiendrait 131 sièges sur les 165 que compte l’Assemblée nationale]. Mais cette majorité, si elle se confirme, ne sera pas une récompense. Ce sera une exigence. Une responsabilité.
En mars dernier, le Sénégal faisait un choix audacieux en portant Bassirou Diomaye Diakhar Faye à la présidence, avec un message fort : la rupture. Un mandat clair pour transformer le pays, en finir avec les anciennes pratiques, et redonner au peuple l’espoir d’un avenir meilleur. Mais dès son entrée en fonction, il se heurte à une réalité brutale : une Assemblée nationale dominée par une opposition [l’ancienne majorité présidentielle du président sortant, Macky Sall] bien décidée à bloquer chaque réforme.
“Je dissous l’Assemblée nationale pour demander au peuple souverain les moyens institutionnels qui me permettront de donner corps à la transformation systémique que je leur ai promise.”
Un pari audacieux, risqué, mais nécessaire pour éviter l’immobilisme. Aujourd’hui, le peuple a répondu. Non seulement il confirme sa confiance en son président, mais il lui donne les rames nécessaires pour naviguer. Mais attention, ces rames ne sont pas un cadeau, elles sont un test.
Une majorité sous surveillance
“Lay dièkh na” – c’est fini les excuses [en wolof]. Les Sénégalais ont voté avec clarté et cohérence : ils veulent des actes, pas des discours. Ce peuple, qui trime dans les marchés informels, qui perd ses enfants dans les flots de l’immigration clandestine, qui se bat chaque jour pour survivre, a confié sa pirogue au Pastef. Mais il ne se contentera pas de les voir ramer. Il veut avancer, vite et fort. Chaque loi devra être une réponse. Chaque décision devra frapper juste. Car ce peuple ne pardonnera ni la complaisance, ni l’arrogance, ni les échecs. Vous avez promis de construire un Sénégal nouveau. Maintenant, vous devez prouver que vous êtes à la hauteur de ce chantier historique.
Le fleuve devant vous est large, et les courants sont traîtres. Les défis sont immenses. L’immigration clandestine continue de voler nos jeunes, les privant d’avenir et plongeant leurs familles dans le deuil. Le chômage gangrène nos communautés. Les inégalités, criantes et insupportables, pèsent sur ceux qui n’ont que leurs bras pour construire leur dignité. La cherté de la vie, devenue un fardeau écrasant, ne connaît aucune frontière, mais ici, au Sénégal, elle étouffe les chefs de famille et fragilise les bases mêmes de notre société. Ces pères et mères qui, chaque jour, se battent pour nourrir leurs enfants et garder espoir, attendent des réponses claires et immédiates.
Mais ce peuple a déjà trop souffert pour accepter de nouvelles déceptions. Il a ramé pour survivre, et il rame maintenant pour transformer. Si vous ralentissez, il vous abandonnera. Si vous le trahissez, il vous renversera. Jamais auparavant le Sénégal n’avait offert à ses dirigeants une chance si claire et si fragile. Ce moment est unique dans l’histoire politique de notre nation : il sera votre privilège ou votre fardeau. Une telle opportunité n’arrive qu’une fois dans une génération. Elle peut ouvrir la voie à un Sénégal nouveau ou s’effondrer sous le poids des promesses non tenues.
Un pacte de sang et d’honneur
Avec ces législatives, un contrat sera signé entre le Sénégal et son avenir. Votre rôle ? Être à la hauteur de ce pacte. Chaque projet sera une pierre à poser sur l’édifice du changement. Chaque échec sera un coup porté à votre légitimité. Le Sénégal ne pardonne pas les trahisons, mais il exalte les bâtisseurs.
Pastef, vous portez un nom qui résonne profondément dans notre culture. “Pasteéf”, en wolof, signifie l’aptitude à réaliser de façon extraordinaire ce qu’on a décidé ou promis. Ce mot, qui incarne détermination et excellence, semble avoir inspiré l’acronyme du parti, et avec lui, toute une vision politique. Mais ce soir, ce mot devient une exigence. Pastef, vous avez tout ce que vous avez demandé : la pirogue, les rames, et la force d’un peuple qui croît encore. Mais sachez-le : ce peuple, vigilant et exigeant, n’accordera ni indulgence ni seconde chance.
Le peuple sénégalais, en vous donnant sa confiance et sa majorité, vous rappelle que votre mandat ne peut se réduire à de simples intentions. Il exige que vous incarniez pleinement le sens de “pasteéf” : tenir vos promesses, et les réaliser de manière exceptionnelle.
Saurez-vous être à la hauteur de ce mot, de son essence, et de l’Histoire que vous portez ? Saurez-vous faire de cette majorité une force de transformation, ou restera-t-elle une simple promesse échouée sur les rives de l’Histoire ?
Aux jeunes Sénégalais, ce moment vous appartient aussi. Ramez avec force, rêvez avec audace, et bâtissons ensemble un Sénégal qui retient ses talents, protège ses enfants, et inspire le monde. Ce moment n’est pas qu’un défi, il est une chance : celle de montrer au monde un Sénégal debout, audacieux et uni dans sa quête d’excellence.
Encore à vous les élus, le Sénégal ne vous attendra pas. Ramez fort. Ramez juste. Ramez avec nous, et nous construirons ensemble un Sénégal où chaque jeune rêvera d’avenir ici, et non ailleurs
Courrier international