Le pillage systématique passif est pire que les détournements de la décennie de corruption. C’est le constat que les observateurs les plus avertis tirent de l’évaluation du mandat à mi-parcours de l’actuel système politique, qui peine difficilement à se débarrasser de l’étiquette collée à son prédécesseur et qui semble plutôt lui correspondre parfaitement.
Les mauritaniens commencent à prendre conscience qu’ils ne sont guère sortis du cercle vicieux de la gabegie érigée en système, après trois années de tintamarre sous le faux leitmotiv de lutte contre la corruption et de traduction des pilleurs des biens publics devant les tribunaux.
Si l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz et sa suite ont ruiné la République pendant plus de 15 années dont 10 directement passées sous la mainmise de l’ex Chef de l’Etat, les trois années qui viennent de s’écouler du mandat de son successeur, le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, explicitement placées sous le sceau de la lutte contre la gabegie, ont été jalonnées de bout en bout par une corruption passive et discrète qui continue de couter mois après mois des milliards d’ouguiyas à l’Etat.
Des dizaines de cérémonies de pose de la première pierre, des centaines d’ateliers de tout genre et de festivals, des visites régulières de projets et de chantiers dans les wilayas de l’intérieur du pays de routes inachevées malgré l’expiration imminente des délais, et j’en passe, continuent de se tenir coutant au budget de l’Etat d’énormes dépenses définitives pour des activités sans lendemain.
La meilleure illustration à titre non exhaustif de ce paradoxe de la lutte contre la corruption menée par les actuelles autorités est incontestablement le lancement récent de la campagne agricole 2021-2022 à Tamchekett, supervisée par le Président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani en personne, dont la cérémonie organisée à coup de millions, n’a duré que 12 heures d’horloge.
Deux discours prononcés sous un soleil brulant ont suffi pour tourner la page de la cérémonie dont l’objectif déclaré est de servir de véritable cadre pour inciter les mauritaniens à compter sur eux-mêmes et à travailler pour réaliser l’autosuffisance alimentaire.
Un événement précédé par un intense va-et-vient motorisé de la haute administration et des élus, des hommes d’affaires voire même des thuriféraires pour agrémenter la comédie et pour, ironiquement, assurer le succès de la visite du président avant celle de la campagne agricole elle-même.
Le lendemain de la cérémonie, les yeux des décideurs supérieurs de la pyramide Etat étaient orientés sur la préparation de l’évènement suivant de l’interminable chaine d’activités publiques programmées pour occasionner des frais de mission, des perdiem et d’autres revenus facturés sur le dos du contribuable, à travers d’autres ateliers, festivals…ect.
En somme, un pillage systématique implicite mais intense qui couvre tous les ministères et les départements, toutes les sociétés, les wilayas et les moughataas, au nom de cérémonies d’intérêt public très onéreuses et improductives, se résumant à de l’amateurisme, de la figuration et du leurre d’une opinion qui manifeste de plus en plus son ras-le-bol dirigeants aux promesses autant en emporte le vent.
Au rythme où les choses en sont aujourd’hui, le successeur du président Ould Ghazouani à la tête du pays aura du pain sur la planche, dés lors où il se trouvera incontestablement dans la même impasse de faillite irrémédiable de l’Etat héritée par Ghazouani en 2019, en raison d’une administration rompue d’amont en aval à la corruption et même sevrée à la gabegie.