L’opposition mauritanienne est sortie vaincue au niveau de la capitale, perdant tous ses acquis dans les communes dont elle contrôlait deux d’entre elles et au moment où elle aspirait à renforcer ces acquis politique. Plus de 10 000 personnes ont empêché également les candidats le plus puissant de l’opposition, en l’occurrence l’ancien maire Hacen Ould Mohamed, d’être élu au siège de président du Conseil régional de la capitale, Nouakchott, revenu de nouveau sous l’emprise de la Dame de la capitale Fatimetou Mint Abdel Malick.
Bien que les résultats « catastrophiques » obtenus par l’opposition étaient attendus pour certains de ses composantes, d’une part et que c’était d’autre part, la volonté du parti « Insaf », ils ont constitué une onde de choc foudroyante pour les leaders et les militants des partis. Ce qui conduit à se poser la question : qui a fait sortir l’opposition des centres de l’éveil politique et l’a éjectée hors du cercle, pour obtenir quelques rares et éloignées communes à l’intérieur mauritanien ?
Récolte de la diaspora et de la divergence politique
L’opposition a récolté des résultats fruit de ses divergences et de ses querelles intestines ainsi que du refus de ses forces les plus influentes de s’unir au sein d’une seule coalition, sachant que les divers résultats qu’elle avait réalisés depuis 2001 n’étaient qu’un bilan naturel de l’alliance entre ses partis et ses forces politiques.
L’opposition a totalement échoué à se coaliser, les cas d’unions avortées entre le parti Tawassoul et le mouvement JOUD au niveau de la moughataa de Sebkha, avant que les deux parties ne se retrouvent dans une délicate confrontation, ayant permis au parti Insaf de trancher la bataille sur la commune côtière à son profit.
Quant aux partis du RFD, UFP, Sawab/IRA, ils se sont transformés en partenaires du contexte en concurrents farouchement adverses.
Les alliés deviennent des adversaires
Certains échecs de l’opposition dans la capitale, Nouakchott, sont dus en partie, selon certaines sources, au passage de soutiens fondamentaux et puissants, ayant permis à l’opposition de réaliser des succès dans les élections de 2018, de partisans en adversaires, comme c’est le cas du parti Tawassoul au niveau des moughataas de Toujounine et Arafat.
La coalition des partis de l’UFP, Hatem, Tawassoul et du Pacte National pour la Démocratie et le Développement (ADIL) a permis d’obtenir 8 835 votes, soit 51,66%, tandis que le parti de l’Union Pour la République (ex UPR) n’avait engrangé que 7764 voix soit 45,40% ; ce qui a permis à Tawassoul de diriger la commune de Toujounine à travers son candidat Mohamed Lemine Ould Chouaïb.
La Commissaire à la Sécurité Alimentaire (CSA) Mme Fatimetou Mint Khattry, alors opposante à cette époque, avait été d’un soutien capital au niveau de cette moughataa, ajoutent les sources précitées, selon lesquelles, elle a changé de carapace partisane pour devenir en 2023 une opposante de taille au parti.
Le parti Hatem s’est mué lui aussi en un adversaire acharné et en un concurrent, réduisant de manière considérable les chances du parti Tawassoul et éjectant du coup son candidat et son ex maire hors de l’hôtel de ville, l’excluant d’une commune où il s’est illustré par ses réalisations palpables et ses bonnes relations avec ses sympathisants et militants, témoignent ses partisans.
Arafat … Insaf contrôle la forteresse des islamistes
La moughataa d’Arafat a été toujours classée comme étant une forteresse des islamistes. Le RFD y avait investi en 1996 pour les élections municipales, l’islamiste Hacen Ould Moulaye Ely. Cette commune avait été qualifiée à cette époque par le président du parti Ahmed Ould Daddah de forteresse des islamistes et qu’ils devront en conséquence assumer leurs responsabilités.
Cette commune avait également été remporté par le leader islamique Mohamed Jemil Ould Mansour, avant de quitter de force le siège pour la prison et d’opter de là pour l’exil forcé, alors que les islamistes ont réussi par la suite depuis 2006 au 13 mai 2023 à avoir une mainmise sur cette commune, à travers leur candidat permanent, Hacen Ould Mohamed, où son successeur, Mme Aicha Mint Bouna, est sortie de la course dés le premier tour sans grandes chances
Les dirigeants expliquent la défaite de Mint Bouna par le déplacement de milliers d’électeurs et leur inscription dans la moughataa, ainsi que par la fraude
Cependant, des observateurs en dehors du parti, estiment que les indicateurs confirmaient la perte de Tawassoul de la plus importante de ses citadelles, pour plusieurs raisons dont notamment :
- La difficulté de remporter les élections de 2018, dont les résultats étaient la conséquence de la coalition de l’UFP, Hatem, Tawassoul et ADIL, qui permis au parti de se classer troisième avec 11855 voix, soit 49,63%, ce qui équivaut à avoir 11 conseillers, tandis que la liste de l’UPR n’a engrangé que 11180 voix, soit 46,80%, ce qui lui permet d’avoir 10 conseillers.
Le parti était par ailleurs confronté à un acharnement farouche du régime, lequel imposait un embargo à la plupart de ses activités, à son efficacité et à ses instances.
A cela s’ajoute, la volte-face de certaines forces de soutien du parti qui se sont métamorphisées en adversaires et concurrents. Il s’agit des partis Hatem et Adil affiliés au parti Insaf.
L’absence de l’ancien maire El Hacen Ould Mohamed et ses relations ainsi que le soutien apporté par son groupe tribal, en orientant la majorité de ses membres et de ses nantis pour soutenir leur autre fils Mohamed Mahmoud Ould Ahmed Jiddou, qui a réussi à tisser un réseau de relations, privilégiant dans son activisme de se focaliser sur les associations et les regroupements des jeunes, alors la candidat Aichetou Mint Bouna n’avait par un public et des relations larges au niveau de la commune, considérée par Insaf comme un défi qu’il faut relever à tout prix
Quant au reste des communes de Nouakchott, elles étaient sous l’emprise du parti de l’État et n’avaient pas connu de nouveau, à part leur maintien dans leur orbite avec des moyens moindres et une concurrence plus facile qu’auparavant.
La faiblesse des moyens financiers : La précarité financière a emporté, l’opposition mauritanienne, affirment des sources selon lesquelles, comparés avec les capacités énormes mobilisés par le parti Insaf et ses soutiens parmi les hommes d’affaires, ses moyens étaient très modestes.
Les partis de Tawassoul, RFD et plus particulièrement Sawab ont souffert en particulier de cette pauvreté, accompagnée aussi par une migration d’un grand nombre de riches partisans vers le camp adverse, déclarant leur loyauté au régime en finançant ses campagnes et en optant pour la confrontation avec leurs anciens camarades.
En effet, un grand nombre d’hommes d’affaires, qui avaient soutenu par le passé Tawassoul, a noué des relations qualitatives avec le pouvoir après le départ de l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz, devenant un élément essentiel du système de ratissage qui a réduit les chances de l’opposition à zéro.
Le président du mouvement IRA Biram Ould Abeidi a perdu aussi plusieurs sources de financement, puisque ses anciens partisans se sont transformés en adversaires en raison de la détérioration des relations entre les deux parties, en particulier entre Biram et l’homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou, lequel a également réduit son soutien apporté au RFD, qu’il a abandonné sur une arène politique où les moyens financiers constituent l’arme fondamentale pour réussir dans ces duels électoraux.
Déplacement … une marée humaine sur la capitale
Le parti Insaf a pu imposer sa mainmise sur la capitale à l’aide de plusieurs moyens, dont le plus important est :
- L’exploitation de la faiblesse politique de l’opposition : qui était à ses pires moments en termes de dispersion, de conflits, de faibles capacités financières et de recul populaire,
- L’accord avec le ministère de l’Intérieur : qui était un piège qualitatif ayant permis au parti Insaf de trancher les communes au premier tour, mettant fin aux espoirs de l’opposition, qui se concrétisaient toujours et rarement au terme d’une confrontation difficile au second tour,
- Les déplacements et l’enregistrement des électeurs : le nombre de personnes enregistrées au niveau de la moughataa d’Arafat, est passé par exemple de 42 560 électeurs lors des élections de 2018 à 57 665 électeurs lors des élections de 2023. L’enregistrement d’un tel énorme effectif a permis de favoriser le vote massif au profit du parti Insaf, estiment ses adversaires.
La meilleure preuve de ce constat est le mauvais impact que le déplacement a causé sur la situation au niveau de la moughataa de Tevragh-Zeina dont le dénombrement de la population de la commune est de plus de 61 893 personnes en 2021. Chiffre confirmé par les données de l’office national des statistiques en 2015 (devenu ANSADE).
Partant des informations ci-dessus et puisque la moitié de la population représente moins de 18 ans, le nombre d’électeurs devait atteindre selon les estimations 31 000 électeurs, alors que celui des personnes enregistrées a dépassé 71 000 électeurs.
En supposant que la population réelle a été enregistrée au cours des actuelles élections et en adoptant le taux de participation déclaré par la CENI estimé à 64%, le nombre des personnes en âge de voter serait de l’ordre de 19 840 électeurs.
Le coordinateur régional de la campagne dans la capitale, M. Mokhtar Ould Diay, avait fixé depuis plus de 6 mois un groupe de bureaux de vote à Arafat et demandé aux dirigeants d’Insaf d’enregistrer leurs partisans dans ces bureaux de vote, ouvrant la voie à une concurrence sans précédent entre les cadres du parti afin de relever le défi consistant à remporter la capitale et pour prouver leurs capacités et leurs poids politiques.
L’argent politique et l’achat des consciences ont joué, en plus du déplacement, un rôle fondamental dans les scores catastrophiques enregistrés par l’opposition au niveau de la capitale et dans les autres circonscriptions dans lesquelles, l’opposition a investi des candidats.
L’argent politique a joué un rôle fondamental dans la victoire d’Insaf, indiquent des sources diverses, selon lesquelles, le parti a commencé par l’achat des consciences à travers la séquestration des cartes d’électeurs payées auprès de leurs propriétaires. Il s’agit de pratiques qui n’ont pas besoin de preuves eu égard à leur caractère explicite, flagrant et répété dans plus d’une zone électorale, martèle l’opposition
Fraude … des dénonciations croissantes … le ministère de l’intérieur dans le box des accusés
Un certain nombre de dirigeants de l’opposition et d’autres au sein de la majorité parlent d’une large fraude qui a été entreprise au niveau de diverses parties du pays. Ces élections ont ramené le pays à l’ère Tayiste, a déclaré le président de l’Alliance Populaire Progressiste (APP) Messaoud Ould Boulkheir. Un constat exprimé également par le président du parti Tawassoul Hamadi Ould Sid’El Mokhtar, qui a qualifié ce qui s’est passé de farce réelle.
Les forces de l’opposition ont passé en revue dans une déclaration un ensemble de violations qui ont eu lieu lors des dernières élections, par exemple :
- le retard d’ouverture des plusieurs bureaux de vote même au-delà de la mi-journée, et l’absence de certains bulletins de vote dans d’autres,
- le refus d’accès dans de nombreux bureaux de vote des représentants des listes candidates de l’opposition pendant plusieurs heures,
- le comble à été l’ouverture manu militari de bureaux de vote par les autorités administratives après l’heure légale de clôture (19h00), en accord visible avec certains leaders du Parti-État Insaf, et l’expulsion des représentants des partis qui s’opposaient au prolongement illégal du vote,
- au niveau de la Moughataa de Boutilimit, le désordre, la confusion et la fraude étaient plus flagrants. L’ouverture des bureaux a été retardée souvent, et la complicité entre les représentants de la CENI et les présidents de nombreux bureaux de vote avec les autorités et les acteurs politiques de l’Insaf afin de fausser la volonté du peuple et d’expulser les représentants des partis de l’opposition démocratique.
La CENI face aux accusations
La CENI n’a pas échappé quant à elle à ces accusations de l’opposition.
Il y a une grande manipulation des résultats de notre parti par la CENI, perçue par l’opposition comme étant incapable de s’acquitter de sa mission et agissant sous les ordres du ministère de l’Intérieur, a dit un leader au sein du parti Tawassoul Soubhi ould Weddady.
Soubhi n’était pas le seul à avoir matraqué la CENI, puisque des obus de même intensité et plus ont été lancés aussi bien par la Majorité que l’Opposition sur la CENI, l’indexant de manque de sérieux et de complicité avec les fraudeurs
L’opposition a recensé un certain nombre de manquements qui illustrent l’incapacité de la CENI et sa complaisance avec l’autre partie, dont, selon le communiqué :
-l’application incomplète par le Ministère de l’intérieur et la Ceni de l’accord conclu avec l’opposition ;
– la date du scrutin a été arrêtée unilatéralement par les autorités, le rejet ferme d’une mesure non consensuelle,
– le refus de prévenir la fraude en disponibilisant dans chaque bureau de vote de l’appareil d’authentification par empreinte digitale de l’électeur porteur d’une carte d’identité,
– La violation de l’accord politique prévoyant l’obligation de désigner la composition et l’emplacement des bureaux de vote en concertation avec les partis d’opposition,
– le refus de l’audit d’une liste électorale établie dans la précipitation et entachée de nombreuses irrégularités dont les transferts massifs d’électeurs dans des zones qui leurs sont étrangères et parfois dans zones inhabitées.
– Le refus de la CENI de se concerter avec les partis d’opposition dans la désignation des présidents et des membres des bureaux de vote, en dépit de l’accord préalable sur ce point ;
- Le refus de la CENI de mener une enquête sur le fichier électoral, malgré l’insistance des partis d’opposition, son importance et la possibilité de le faire pour préserver la crédibilité des élections ;
- Transformation des bureaux de vote en zones non déclarées sur le site Web de la CENI et sans informer les électeurs et les partis.
Euphorie populaire pour Insaf.. ou l’apaisement politique brûlé ?
Le conseiller, à la Présidence de la République, leader du parti Insaf et coordinateur de sa campagne régionale au Tagant, Dr Ahmed Salem Ould Vadhel a dit : les résultats des récentes élections, ont renversé deux cartes fondamentales de l’opposition à savoir la carte de l’oppression et de l’injustice politique d’une part et la carte de l’exploitation des groupes fragiles et le discours de l’extrémisme d’autre part.
Ces résultats étaient une source d’euphorie et d’appréciation des citoyens des programmes nationaux et sociaux mis en œuvre par le gouvernement. Toutefois les opposants du pouvoir l’accusent d’avoir douloureusement brûlé son image démocratique auprès de l’opinion publique politique et d’avoir mis au feu l’apaisement politique, ouvrant sur lui-même la porte de la confrontation avec l’opposition et certains partis de la majorité à quelques mois des élections présidentielles.
Entre allégresse et ressentiment, victoire et défaite, la scène politique ouvre ces grandes portes sur une nouvelle crise qui devrait assombrir considérablement par ses divergences, le second mandat du président Ould Ghazouani, signant ainsi également la déclaration de mort de l’apaisement politique avec certains partis d’opposition.
Qui est le gagnant et qui le perdant ?
Le pouvoir a tissé avec l’opposition une relation distinguée d’apaisement et de bon voisinage. Toutefois, les présentes élections ont représenté pour le régime une gifle infligée à la fois à l’opposition et à lui-même, en poussant les opposants à constituer un front uni contre lui ainsi qu’en remettant en question la légitimité des élections. Le président Messaoud Ould Boukheir n’a-t-il pas dit à ce propos, qu’il n’a jamais assisté à des élections plus mauvaises que celles-ci, y compris les élections communales au temps de Ould Taya.
Notre histoire moderne confirme que la négligence de nos dirigeants dans la gestion de l’alternance pacifique au pouvoir a conduit les assoiffées du pouvoir à recourir à la force et à renverser le régime, pour le seul fait qu’il leur a offert l’opportunité de truquer les élections et qu’il a fermé la porte devant tout changement à travers les urnes.
El Moktar Ould Daddah au début et le président Maaouiya enfin
D’un autre côté, il n’y avait aucune raison de gâcher les élections, d’autant plus que le parti Insaf détient la suprématie qualitative et numérique dans toutes les directions du pays et que le succès des élections allait être mis au crédit du Président et non à son détriment.
Mais le voilà aujourd’hui pousser l’opposition à l’unité et conduire le perdant à prétexter la fraude
Le pouvoir a perdu, de l’avis de nombreux analystes et observateurs lorsqu’il a permis à certaines partis réputées à appeler à ouvrir les bureaux pour le seul motif qu’ils tiennent à un faux plébiscite.
Nous réalisons de notre récente histoire, que les auteurs de cette mascarade a renié sa « Chahada » pour Allah à l’endroit de l’ancien président, parce qu’il n’est plus au palais.
L’un des partisans du président nous a dit, s’adressant à Ould Ghazouani « Monsieur le président, c’est la gestion de cette personne qui a accordé la victoire au parti Tawassoul à El Ouad Lebyadh dans la moughataa de Male, lorsqu’il les a privés de leur droit de se présenter candidats et les voilà aujourd’hui confirmer qu’ils sont plus forts et plus aimés sur le terrain ».
Vous devez éloigner de vous de tels compagnons et resté attaché à votre approche, source de réjouissances et d’espoir pour le pays et le peuple, grâce à la tolérance émanant d’une grande âme considérée responsable de tous par la force de la loi.
Avec la fin de ces élections, il est certain que le cordon entre l’opposition et le pouvoir s’est rompu. Vers où se dirigeront alors les choses ?.
Aller à l’Est et partir à l’Ouest, deux directions injoignables
El Fikr traduit par senalioune