Le facteur-temps joue un rôle déterminant dans la lutte contre la corruption que mène la Mauritanie. Notre pays insiste sur l’assainissement de son climat économique autour d’une ambitieuse stratégie de développement axée sur une concurrence juste et honnête et redouble de rigueur contre les foyers de la corruption et des facteurs qui la produisent. En ce combat, une nouvelle phase peut s’engager dès cette année, si tous les acteurs politiques s’entendent à lui donner vie, en impliquant toutes les institutions susceptibles de la soutenir avec succès. La dimension temporelle est d’autant plus importante que, différées de plusieurs années, les actions à mener seront autrement coûteuses : la corruption agit jour après jour de façon de plus en plus complexe, bénéficiant sans délai des développements et des technologies modernes, notamment dans l’extension des réseaux financiers et commerciaux. La lutte contre elle est devenue une nécessité urgente pour relever les défis auxquels notre pays est confronté et lui permettre de réaliser les grands projets qu’il s’apprête à mettre en œuvre. Sans adaptation rapide à cette vitesse de propagation, il devient de moins en moins possible de combattre efficacement le phénomène. Il s’agit d’un enjeu d’État et de société qui ne doit pas faire l’objet d’enchères : personne – pas plus un individu qu’un parti ou une organisation associative – ne peut y faire face seul. Et d’autant moins que tout doit s’accomplir dans le strict cadre de la loi. Obsessionnelle, la lutte contre la corruption est devenue le titre de la scène nationale et son cadre directeur, nous rappelant à tous ses coûts sociaux, politiques, économiques, juridiques et culturels élevés, son impact extrêmement fort sur la roue du développement et sur la dignité humaine, le droit à l’éducation, au travail et à la santé. La transformation numérique en première ligne
Levier essentiel d’un développement intégré à multiples objectifs économiques, sociaux et environnementaux, la transformation numérique est un des mécanismes qui contribuera au mieux aux efforts de lutte contre la corruption. Elle permet de réduire les coûts, développer la productivité et s’intégrer aux marchés, en fournissant notamment des services d’intelligence informationnelle, de modernisation et de transformation de l’économie. Simplifions le sens de cette expression : la transformation numérique n’est pas seulement la disponibilité de nouveaux mécanismes techniques ni la conversion du format papier en format numérique. Elle implique d’adopter une approche horizontale et globale pour reconsidérer également la manière d’organiser, gérer les relations, mener à bien son travail, fournir des services et simplifier les procédures. La prévention et la lutte contre la corruption a révélé que les pays présentant les plus faibles niveaux de corruption sont ceux qui ont réalisé des progrès singulièrement significatifs dans leur transformation numérique, grâce à leur modernisation de leurs services publics, utilisant les technologies avancées à la traque des pratiques de corruption. La transformation numérique doit donc se retrouver à la base et en pilier essentiel de toute stratégie de prévention et de lutte contre ce fléau. Diagnostic de la situation en Mauritanie Notre pays a certes réalisé des progrès au cours des deux dernières décennies dans le domaine de la numérisation, en développant un certain nombre de stratégies et de programmes. Mais elles n’ont pas atteint tous les objectifs escomptés, en raison de non mise en œuvre d’un certain nombre de procédures incluses, du manque d’unification de leurs méthodes de gestion et de l’approche trop systématiquement sectorielle dans leur mise en œuvre. Notre pays dispose ainsi d’un arsenal juridique qui comprend des dizaines de lois dans ce cadre mais il reste très en retard dans l’adoption de leurs textes d’application. Il doit déployer davantage d’efforts pour progresser dans la transformation numérique et aligner le service public sur les normes internationalement reconnues. La Mauritanie manque de vision intégrée et globale. Malgré la multiplicité des organismes fondés dans ce cadre, nos modèles de gouvernance sont limités et n’ont pas atteint l’intégration, la convergence et les effets souhaités. Il nous manque un programme de suivi et de modernisation efficace, efficient et durable, nanti de réelles capacités de prise de décisions et d’arbitrage en ce qui concerne le lancement des projets, leur structuration et la définition de leurs priorités, ainsi que leur mise en œuvre. Leur division en départements empêche l’intégration et l’harmonie et ne prend pas en compte les dimensions régionales et locales. De fait, c’est toute l’implication du local dans le global qu’il s’agit de repenser. La prise en compte des besoins des utilisateurs répond d’autant moins adéquatement à leurs exigences réelles qu’elle n’est pas présentée de façon intégrée, via des plates-formes faciles d’accès. On constate également une baisse des niveaux de disponibilité et d’ouverture des données. Malgré la sensibilisation et les efforts à les développer, elles restent un défi à relever. Au final, la réussite de la transformation numérique est intimement liée à la gestion du capital humain qui doit s’en situer au cœur. Les formations disponibles restent inférieures à la forte demande et sont insuffisantes pour accompagner les ambitions numériques du pays. Je dirai même qu’elles n’y contribuent pas… CHEIKH AHMED OULD MOHAMED INGÉNIEUR CHEF DU SERVICE « ÉTUDES ET DÉVELOPPEMENT » ÉTABLISSEMENT PORTUAIRE DE LA BAIE DU REPOS (NOUADHIBOU)