Le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko était face à la presse jeudi pour faire »l’état des lieux de la gouvernance » du régime Macky Sall.
« Le régime du Président Macky Sall a menti au peuple et aux partenaires en falsifiant les chiffres pour donner une image économique qui n’a rien à voir avec la réalité », a signalé Ousmane Sonko.
Après près de six mois au pouvoir, le nouveau régime sénégalais, par la voix du Premier ministre Ousmane Sonko, a fait un état des lieux de la gouvernance de Macky Sall, de 2012 à 2024.
Après une minute de silence en hommage aux victimes de la tragédie du bateau Le Joola, le Premier ministre Ousmane Sonko, tout de blanc vêtu, le visage grave, et entouré des ministres de l’Economie, du ministre de la Justice et du ministre secrétaire général du Gouvernement, entre autres, a présenté l’intensité du « carnage » financier qu’ils ont hérité.
« Nous avons l’obligation de dresser l’état des lieux de la situation que notre régime a héritée », a indiqué le Premier ministre Ousmane Sonko qui a rappelé que le président Bassirou Diomaye Faye avait promis, en prêtant serment le 2 avril 2024, de s’inscrire dans une logique de « transparence, de redevabilité et de vérité envers le peuple souverain ».
Faisant état du rapport établi sur la base des « audits qui ont été effectués », le Premier ministre sénégalais a annoncé les deux éléments, objets du point de presse du jour, en l’occurrence la situation de référence des finances publiques et la reddition des comptes se rapportant à la gestion budgétaire du régime de Macky Sall.
C’est dans cette perspective qu’il a laissé le champ au ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération, Abdourahmane Sarr.
« Cet exercice de transparence et de reddition des comptes est également une nécessité de transparence pour en tirer les conséquences objectives, notamment pour le référentiel des politiques publiques en cours de finalisation pour opérationnaliser le projet », souligne M. Sarr qui partage le constat.
« Le rapport sur la situation des finances publiques a révélé que la dette publique du Sénégal et le déficit budgétaire ont été plus élevés que publiés par les autorités sortantes et communiqués à nos partenaires durant la période 2019-2023 », dit-il.
« Le déficit budgétaire a été annoncé à une moyenne de 5,5% du PIB sur la période 2019-2023. Mais en réalité, il a été en moyenne de 10,4 %, soit près du double », explique le ministre de l’Économie.
Sur cet aspect, le Premier ministre Ousmane Sonko a souligné que « le régime du président Macky Sall a menti au peuple, a menti aux partenaires, a tripatouillé les chiffres pour donner une image économique, financière et budgétaire qui n’avait rien à voir avec la réalité ».
« La dette publique a été annoncée en moyenne à 65,9 % du PIB durant la période 2019-2023. Mais en réalité, elle a été en moyenne de 76,3 % du PIB en raison des déficits publics plus élevés que publiés », poursuit le ministre de l’Économie.
« Ainsi, en fin 2023 par exemple, la dette de l’État central, hors secteur parapublic, est à 15 664 milliards, soit 83,7 % du PIB, alors qu’elle était avancée à 13 772 milliards ou 73,6 % du PIB », précise-t-il.
« Il s’agit donc d’un supplément de dette contracté et non publié de près de 1892 milliards, soit 10 % du PIB de plus », révèle M. Sarr.
« Cette dette supplémentaire est principalement due à des tirages sur des prêts projets sur financements extérieurs et des prêts contractés auprès des banques locales de façon non transparente », explique-t-il.
« Sur la période 2019-2023, les tirages sur ressources extérieures non inclus dans les déficits ont été en moyenne de 593 milliards, annuellement, et des prêts bancaires non inclus dans les déficits en moyenne de 179 milliards annuellement », souligne-t-il.
Sur le surfinancement, Ousmane Sonko estime que « les partenaires avaient accepté que le Sénégal puisse aller en termes de lever de fonds au-delà de ce qui était annuellement autorisé… »
« Au moment où l’on parle, nous ne retrouvons nulle trace de l’utilisation de ces fonds », a précisé Ousmane Sonko.
Pour l’instant, les responsables de l’APR, le parti de l’ex président Macky Sall, n’ont pas encore réagi. Toutes nos tentatives pour les contacter sont restées vaines.
L’Etat annonce des poursuites
Ousmane Sonko a par la suite introduit le ministre de la Justice Ousmane Diagne qui annonce des poursuites.
« Le rapport que vient de nous livrer le ministre de l’Economie, du Plan et de la Coopération, est à la lumière de ce que vous avez entendu. Ces faits sont d’une gravité certaine et semblent revêtir une qualification pénale que les autorités judiciaires compétentes saisies vont devoir déterminer aux moyens d’investigations qu’elles jugent appropriés », dit-il.
« Il est vrai que nous sommes dans un Etat de droit. Les deniers publics, dans le cadre de l’agencement juridique du pays, ont un statut privilégié. Et de ce point de vue, il ne m’appartient pas à priori de juger de l’effectivité des faits », annonce le Garde des Sceaux.
« Il appartiendra donc aux autorités judiciaires et policières de le déterminer. C’est leur travail. Mais ce que je peux dire, c’est que ce sera fait avec le maximum de rigueur, de transparence et sous réserve de la règle et du principe de la présomption d’innocence », précise-t-il.
Le Premier ministre Ousmane Sonko a promis que le Gouvernement, à travers tous ses démembrements, reviendra sur les détails du « carnage » financier orchestré par l’ancien régime sur les deniers publics
BBC