Au lendemain de l’élection présidentielle du 29 juin 2024, un constat amer se dégage. La situation du pays demeure préoccupante:
I Au plan politique,
le système a imposé et il maintient une dictature oppressante, à travers le renforcement d’un dispositif ayant largement favorisé la victoire de son candidat à la dernière élection présidentielle, par un grand nombre d’électeurs, parmi lesquels :
i) des travailleurs et fonctionnaires soucieux de maintenir leurs postes et autres avantages, face aux menaces et divers chantages; ii) des opérateurs économiques en quête de marchés;
iii) une administration centrale soumise, contrainte de faire allégeance aux princes du moment;
iv) des collectivités traditionnelles sommées d’apporter leur soutien au candidat du pouvoir pour préserver des privilèges ou bénéficier de positions avantageuses;
v) des populations dans le besoin, résignées et prêtes malgré elles à céder à toutes les formes de chantage et de corruption matérielle et morale…
Parallèlement, le pouvoir durcit ses pratiques répressives, avec un zèle excessif ayant entraîné jusques-y compris la mort. Des jeunes qui contestent des résultats électoraux auxquels ils ne croient pas meurent entre les mains de leurs geôliers. Assassinés. S’y ajoute la coupure de l’internet, une atteinte grave à la liberté de communication entre citoyens.
En face, c’est la consécration de l’affaiblissement et de la division de l’opposition qui n’a pas su tirer les leçons utiles de ses expériences. Cinq ans durant, elle a été incapable de reconstruire son unité sérieusement ébranlée. Incapable de saisir l’opportunité de l’élection présidentielle 2024 pour reconstruire son unité par le truchement d’une candidature unique. Au contraire, la division et la dislocation des forces s’est accentuée, débouchant sur:
– la défection de leaders et de personnalités importantes de l’opposition, au profit du candidat du pouvoir qu’ils ont décidé de soutenir;
– l’incapacité ou le refus absurde de faire ensemble un recours structuré, motivé et documenté, optant plutôt pour des attitudes ambiguës, si ce n’est des déclarations non moins floues, revendiquant une victoire sans preuves, surfant sur le mécontentement légitime des populations auxquelles on ne vent que des illusions ;
– les attaques des uns contre les autres, en lieu et place de la recherche de l’unité de l’opposition, à la grande satisfaction du pouvoir, qui reste bizarrement épargné dans le même temps, observant avec intérêt les déchirements de ses adversaires en difficultés.
Les perspectives d’une alternance véritable risquent de s’assombrir si l’on n’y prend garde.
II Au plan économique, social et des droits humains
En même temps que cette situation politique grave, les conditions de vie des masses, déjà très difficiles, tant sur le plan économique et social que sur le plan des droits humains, ne cessent de s’aggraver. Entre autres :
– la montée fulgurante des prix ;
– la détérioration sans précédent de la fourniture des services de base, eau et électricité. Nouakchott connaît une pénurie d’eau depuis plusieurs semaines, en particulier dans certains quartiers périphériques;
– la violation des libertés démocratiques par la recrudescence des bavures policières, entrainant la mort, à Kaédi, de jeunes dont le seul « tort » est d’avoir voulu exprimer, par une une manifestation pacifique, leur opinion par rapport aux résultats déclarés de l’élection présidentielle;
– la persistance et l’aggravation des injustices, des discriminations et de l’exclusion fondées sur l’appartenance communautaire et/ou sociale;
– les nombreuses injustices vis-à-vis des femmes ;
– la persistance du passif humanitaire et des souffrances sans nom des veuves, des orphelins et des rescapés ;
– la montée fulgurante du chômage, dont la jeunesse est la principale victime ;
– le blocage programmé du dialogue social, alors que les travailleurs voient leurs conditions de vie se détériorer de jour en jour ;
– le torpillage, pour ne pas dire le blocage, de la mise en application de la loi d’orientation portant sur la Réforme de l’Éducation Nationale, l’absence à ce jour de décrets d’application y afférent etc;
– l’abandon à leur sort, des éleveurs et des paysans, qui ne dépendent que des seuls aléas de la pluviométrie ;
Face à cette situation peu reluisante, avec un nouveau gouvernement caractérisé en grande partie par le recyclage de ceux qui étaient impliqués dans les dossiers de la gabegie, nous invitons l’opposition à se préoccuper de la reconstruction de son unité, à engager des luttes pacifiques, démocratiques et unitaires, prenant en charge les problèmes des populations ci-dessus et pour créer les conditions d’une alternance pacifique véritable.
Nous dénonçons :
– la démission du pouvoir face aux nombreux problèmes évoqués ci-dessus ;
– la confiscation des libertés démocratiques fondamentales ainsi que les arrestations et l’assassinat inadmissible des citoyens ;
Nous exigeons les mesures urgentes suivantes :
– la prise de dispositions pour soulager les populations pauvres face à la montée des prix et la détérioration de leurs conditions de vie ;
– la restauration de la fourniture régulière d’eau aux populations, en particulier à Nouakchott;
– l’enquête sur l’assassinat de citoyens manifestant pacifiquement pour que justice soit faite ;
– le respect des libertés démocratiques, garanties par la Constitution
Nouakchott le 16 août 2024
Rassemblement des Démocrates Progressistes (RDP)