Je viens d’apprendre avec stupéfaction que Nouakchott a fait pression sur Dakar pour la cessation au Sénégal des activités politiques de IRA, Initiative de Résurgence du mouvement Abolitionniste, mouvement mauritanien anti-esclavagiste. Je tiens à le rappeler, ma critique ici, qui paraît être en faveur de IRA et Biram, n’est pas un soutien aveugle, je suis et demeure un libre penseur (voir Post Scriptum).
Dans ses dernières activités à Dakar, on voyait le Président de IRA féliciter deux jeunes haratines admis au Baccalauréat sénégalais. Rien de subversif donc. Si cela est classifié comme une activité dangereuse pour la junte de Nouakchott et ses soutiens, c’est que leur Système est bien fragile, prêt à s’écrouler. Après ce forfait sur la liberté, Nouakchott va-t-il aussi demander le soutien d’Abidjan où IRA est fortement implanté ? Cette voyoucratie est vaine car il restera toujours l’Europe et les autres terres de liberté pour casser cette solidarité entre dictateurs africains pour la reproduction du système dominant.
Cette courbette de l’exécutif sénégalais, si elle est confirmée, montre la faiblesse du Premier-Ministre Ousmane Sonko face à Nouakchott. Je n’évoquerai pas ici Son Excellence le Président Bassirou Diomaye Diakhar Faye qui semble enfermé au Palais par un omniprésent Chef du Gouvernement, coiffant un exécutif prêt à en découdre avec les médias, les opposants, la société civile,…
Ces charges virulentes de Mr. Sonko, parfois contre son propre camp, sont bien un manque de confiance en soi, qui alimente un déficit de souveraineté, un complexe d’infériorité observable sous tous les régimes depuis Senghor et qui caractérise les hommes forts de Dakar face aux arabes mauritaniens. La plus notoire mise à genoux étant celle du Président Abdou Diouf qui pliait aux bons vouloirs du Colonel Moawiya Ould Sid’Ahmed TAYA. Après le Génocide de 1989 à 1991 contre les noirs mauritaniens, qui avait particulièrement visé les fulɓe(peuls), Diouf avait interdit à la branche Sénégal des Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM) toute activité hostile à Nouakchott. Le Colonel TAYA avait, quant à lui, le droit d’emprisonner, torturer et tuer les fulɓe (peuls) avec la bénédiction de ses voisins sénégalais et malien.
Le Président Wade n’a jamais osé rappeler à Nouakchott son obligation d’organiser le retour digne des mauritaniens déportés au Sénégal. Quant à Senghor c’est lui qui a donné la rive Droite aux arabes mauritaniens, motif de Génocide contre les populations noires non arabes.
Mr Sonko qui reprochait en 2019 à tous ces Présidents Sénégalais leurs faiblesses face à la Mauritanie, rejoint le lot et en prend la tête. Lui qui avait promis d’être plus ferme, et même de récupérer la rive Droite(voir vidéo en wolof), a fini par céder la souveraineté de sa rive Gauche.
Avec ce dérapage liberticide, on peut craindre l’extradition vers la Mauritanie de militants IRA, leur santé et leur vie seraient alors menacées.
Au-delà de IRA c’est toute opposition sur le sol sénégalais au Général Ghazouani qui serait brisée, quelle mauvaise réputation collée au pays de Mamadou Dia! Il est fort probable que l’administration Sonko restera sur cette diplomatie feutrée et mielleuse avec son grand partenaire économique, la balance commerciale du Sénégal est largement excédentaire avec leTrab El Bidhan. Au nom du bon voisinage, Dakar pourrait réprimer toute manifestation hostile à Nouakchott, mettre fin aux conférences de presse des déportés mauritaniens, empêcher les noirs mauritaniens d’exiger l’abrogation de la loi d’amnistie de juin 1993, arrêter ceux qui évoquent le Génocide mauritanien, traquer les partisans de l’indépendance,…voilà pourquoi la violation des droits de IRA par Mr. Sonko est un avertissement pour toute la Diaspora mauritanienne installée au Sénégal. La résistance est à enclencher avec les sénégalais, eux-mêmes victimes de graves restrictions de leur liberté d’expression.
Durant le règne de Macky Sall, le parti Pastef exerçait librement ses activités en Mauritanie, sans être inquiété, et avec un soutien visible des islamistes mauritaniens. Le Président du Pastef se sent peut-être redevable. Le véritable moyen de pression de la junte mauritanienne a toujours été la menace d’expulser la grande masse de travailleurs sénégalais présente à Nouakchott ou Nouadhibou. L’économie du Sénégal serait incapable d’absorber un tel afflux soudain de demandeurs d’emploi, de besogneux. Les deux pays ont récemment signé un accord de réciprocité où les ressortissants Sénégalais étaient mieux traités. Parmi les contreparties non écrites, le muselage de I’opposition exilée au Sénégal? Possible.
En outre c’est la récession économique depuis l’arrivée de Pastef au pouvoir, les caisses sont vides, il faut donc soigner les relations avec son partenaire mauritanien pour l’exploitation mutuelle du Gaz. Sonko a donc mis au placard toutes ses déclarations de guerre à la Mauritanie, mais le Général Ghazouani a pris soin de tout archiver. Rien ne sera oublié tant les paroles envers la Mauritanie de l’ancien principal opposant sénégalais étaient va-t-en-guerre!
Le Général va continuer à demander un maximum de garanties à Mr. Sonko, en plein regret de ses propos incendiaires tenus lors de la campagne présidentielle de 2019. Le wax waxeet(se dédire) est un art wadesque qui commence à avoir beaucoup d’adeptes, au point que ça en devient une menace pour la légendaire teranga (hospitalité).
12 juillet 2025
Sammba ndeet
Post Scriptum
Je n’apprécie pas particulièrement la personnalité politique de Biram Dah Abeid depuis qu’il a cessé de qualifier la Mauritanie d’Apartheid après son Prix du Courage à Genève. Ce fut plutôt le Prix de l’abandon de ses principes, qui a pour prix le découragement, la désillusion des masses. Il a ensuite déclaré qu’il a trouvé en le Général Ghazouani l’ami dont il a toujours rêvé, c’était trop! Ce n’était plus le lion que j’avais connu.
Je n’avais pas été tendre avec lui pendant la campagne, et je pensais avoir tout dit, que je n’aurais plus à reparler d’un ancien ami devenu adversaire. Mais l’actualité du jour m’oblige à prononcer son nom, même s’il n’évoque jamais assez ces terres volées aux fulɓe puis redistribuées par les colons arabes à certains parents haratines.
S’il y a lieu de reconnaître BDA comme légitime vu son très honorable score à la dernière élection présidentielle, il gagnerait à endosser d’autres problématiques toutes aussi vitales et urgentes que l’esclavage. Je lui souhaite d’être plus englobant et d’inclure la lutte contre les expropriations dans ses priorités. Si rien n’est fait les noirs devront fuir la faim, quitter le Sud. Ils seront effacés
VAR: « Nous ne devrons pas être complexés face à la Mauritanie. » Ousmane Sonko.