La trêve, qui devrait entrer en vigueur à Gaza le dimanche prochain, représente à n’en pas douter une excellente nouvelle pour les populations de Gaza qui ont fait face à une guerre génocidaire qui a duré quinze longs mois et fait officiellement plus de 46 000 morts, une dizaine de milliers de disparus et plus de 100 000 blessés. Mais cette trêve reste fragile dans la mesure où plusieurs questions litigieuses sont toujours en suspens.
Trois phases sont prévues dans cette trêve. La première qui devrait durer 42 jours verra la libération de 33 otages contre un millier de prisonniers palestiniens. Durant cette phase, l’armée israélienne commencera son retrait en conservant le contrôle d’une zone tampon de 800 mètres de profondeur à l’intérieur de l’exclave palestinienne.
Les civils palestiniens pourront se déplacer et ceux ui ont été obligés de quitter leurs maisons pourront y retourner. L’aide humanitaire reprendra immédiatement après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu. Le poste frontalier de Rafah sera réouvert et permettra d’acheminer des blessés et des malades vers des hôpitaux égyptiens et étrangers.
«Un mécanisme de suivi sera mis en place, géré par l’Egypte, le Qatar et les Etats-Unis . Basé au Caire, ce mécanisme impliquera une équipe conjointe des trois pays pour surveiller la mise en œuvre de l’accord », a déclaré Lle premier ministre qatari, Mohammed ben Abdelrahmane Al-Thani.
Au seizième jour du cessez-le-feu, il est prévu une reprise des négociations autour des deuxième et troisième phases. Celles-ci prévoient la libération des otages restants et un retrait de l’armée d’occupation israélienne de la bande de Gaza avec des aménagements garantissant la sécurité de l’Etat d’Israël, un peu à l’image de ce qui a été négocié avec le Hezbollah au Liban.
Pourquoi un cessez-le-feu seulement maintenant ?
Tous ceux qui ont milité à travers le monde en faveur d’un arrêt de la guerre génocidaire à Gaza sont aujourd’hui soulagés et se disent que cela aurait pu se produire plus tôt. Mais la question politique concerne ls raisons sui ont conduit à un cessez-le-feu maintenant. Qu’est-ce qui a changé depuis les dernières tentatives avortées en mai et août 2024 ?
En insistant sur les facteurs d’ordre géopolitique qui ont survenu récemment depuis le cessez-le-feu au Liban, l’affaiblissement de l’Iran et la chute du régime de Bachar Al Assad en Syrie sans oublier l’affaiblissement du Hamas, les médias mainstream cherchent à accréditer l’idée fausse que le Hamas est au moins aussi responsable que le gouvernement Netanyahou dans le prolongement de la guerre et des souffrances de la population de Gaza.
C’est ce qu’a prétendu par exemple le quotidien Le Monde. Dans son énumération des facteurs ayant favorisé l’accord de cessez-le-feu, il n’hésite pas à relever « l’isolement inédit du Hamas, dont la direction a été décimée et les moyens militaires largement amputés » avant d’ajouter perfidement que « la vérité la plus désespérante pour les otages, qui ont vécu un long calvaire, est la suivante : il aurait pu s’interrompre bien plus tôt, si le Hamas avait eu le souci de sa population et si Benyamin Nétanyahou ne s’était pas accroché à la préservation de sa coalition avec les suprémacistes juifs et l’extrême droite messianique, opposés à tout accord de cessez-le-feu » (Le Monde 16/01/2025
Cette version est démentie par le quotidien israélien, The Times of Israël qui a révélé : « Quelques heures après l’annonce d’un accord sur la libération des otages, un haut responsable de l’administration Biden a confirmé publiquement, pour la première fois, que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait ajouté des conditions aux propositions négociées par le passé, conditions qui avaient entravé les pourparlers » (The Times of Israël, 16/05/2025)
Le quotidien israélien ajoute que « des responsables israéliens, arabes et américains ont tous déclaré au Times of Israel, sous couvert d’anonymat, que Netanyahu avait été parfois le principal responsable de l’échec des négociations, notamment en juillet, lorsqu’il avait ajouté des conditions à sa proposition antérieure concernant le retrait des troupes israéliennes de Gaza, ce qui avait torpillé les négociations à l’époque »
En renvoyant dos à dos le gouvernement Netanyahou et le Hamas pour expliquer les échecs répétés en vue d’arriver à un cessez-le-feu durant les derniers mois, le quotidien français Le Monde n’a fait que relayer la propagande américaine et c’est ce que le quotidien israélien a osé reconnaître : « Pendant des mois, l’administration Biden avait publiquement insisté sur le fait que le Hamas était le principal obstacle à un accord et, si elle a parfois déclaré que « les deux parties » ne se montraient pas suffisamment coopératives, elle avait évité de pointer directement du doigt Netanyahu ».
The Times of Israël a précisé à ce propos : « Le porte-parole du département d’État américain, Matthew Miller, a déclaré lors d’un point de presse : « Il est arrivé qu’Israël introduise de nouvelles conditions et de nouvelles propositions qui ont rendu plus difficile l’obtention d’un accord ».
Il ressort de ces révélations importantes que c’est le gouvernement Netanyahou qui a empêché la conclusion d’un accord de cessez-le-feu tant qu’il était sûr que l’Administration Biden, otage des lobbies pro-israéliens, n’osera pas imposer quoi que ce soit à Israël.
Le changement qui permet d’expliquer la volte-face du gouvernement israélien se situe ailleurs. Même s’il a tout fait pour favoriser l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche, Netanyahou a semble-t-il mal évalué sa versatilité et son obsession pour une paix immédiate qui favoriserait son plan en vue de reconfigurer le Moyen Orient, un plan axé sur le business et sur la volonté de contrer la présence croissante de la Chine dans la région.
C’est ce qui explique les pressions croissantes exercées par Trump sur le gouvernement Netanyahou ces derniers jours en vue d’arriver à un accord de cessez-le-feu. The Times of Israël s’est fait l’écho de ces pressions qui se sont avérées décisives : « Des diplomates arabes de haut niveau et deux autres sources proches des négociations ont déclaré mardi au Times of Israel, disant qu’une réunion « tendue » entre le Premier ministre Benjamin Netanyahu et l’envoyé du Président américain élu Donald Trump au Proche-Orient, Steve Witkoff, avait conduit à une percée dans les pourparlers après que ce dernier avait fait pression sur le Premier ministre (Netanyahou) pour qu’il fasse les compromis nécessaires à la conclusion d’un accord » (The Times of Israël, 16/05/2025)
Le quotidien israélien a ajouté à cet égard que « les deux diplomates arabes avaient déclaré que le niveau de pression exercé sur Netanyahu par l’envoyé de Trump lors de cette seule réunion était sans égal dans les innombrables conversations que les responsables de l’administration Biden ont eues avec le Premier ministre tout au long de la guerre ».
L’inconnue du jour d’après
Mais quoiqu’il en soit, les protagonistes sont enfin arrivés à un accord de cessez-le-feu. Un accord qui reste fragile et dont l’enjeu principal, au-delà des « détails » flous dont l’interprétation divergente pourrait conduire à une reprise des hostilités, est ce qui va se passer après la deuxième étape qui sera marquée par le retrait de l’armée d’occupation israélienne de la bande de Gaza.
Personne ne sait aujourd’hui à quoi ressemblera exactement le jour d’après à Gaza. L’Administration américaine sortante espère dans une première étape une administration du territoire par l’Autorité palestinienne aidée dans un premier temps par des forces « internationales » dont elle ne mentionne ni la provenance ni les prérogatives. Cette étape suivie d’une deuxième qui verra l’établissement d’un Etat palestinien réunissant la Cisjordanie et la bande de Gaza sans autre précision mis à part le fait qu’elle ne veut pas de la présence du Hamas dans un gouvernement palestinien. C’est ce que vient de rappeler, le 14 janvier, le secrétaire d’Etat, Antony Blinken, dans un discours devant le cercle de réflexion Atlantic Council.
Mais la position de la nouvelle Administration Trump sur le sujet constitue la grande inconnue. Pourtant c’est de cette position que dépendra l’avenir immédiat de la paix dans la région.
Une chose est sûre. Quelles que les options de la nouvelle Administration américaine, cette dernière ne pourra pas ignorer les trois facteurs sur lesquels Blinken a insisté dans son discours- testament à savoir la tentative israélienne d’étrangler l’Autorité palestinienne via la rétention des revenus fiscaux qui s’élèvent à un demi-milliard de dollars, les attaques des colons violents en Cisjordanie qui compromettent toute possibilité d’arriver à une paix et enfin le fait que le Hamas continue d’être une force incontournable dans toute équation future.
En rappelant cette dernière donne, Blinken a reconnu de fait qu’il ne saurait y avoir de solution exclusivement militaire à la question palestinienne.« Nous estimons que le Hamas a recruté presque autant de nouveaux militants qu’il n’en a perdus. C’est la recette pour une insurrection durable et une guerre perpétuelle » a-t-il affirmé. (Le Monde 16/01/2025)
Ce constat est partagé par les analystes israéliens qui ne prennent pas leur désir pour la réalité, à l’instar de Michael Milstein, ancien officier des services de renseignement israéliens et spécialiste du Hamas qui a affirmé que « le public israélien se demande : quel est le but ? Dans cette opération dans le nord de Gaza, le Hamas n’a pas levé de drapeau blanc. Aucun otage n’a été libéré. Et de plus en plus de soldats sont tués. Ceux qui croient à la victoire totale sont de plus en plus rares » avant d’ajouter : « C’est très difficile à admettre pour la plupart des Israéliens, mais c’est la réalité. Le Hamas, quinze mois après le début de cette guerre, après avoir subi des dommages sans précédent, reste l’acteur dominant à Gaza » (Le Monde 16/01/2025)
L’accord de cessez-le-feu, qui est déjà mis en cause par les ministres d’extrême-droite du gouvernement de Netanyahou avant même qu’il entre en vigueur, n’est pas seulement fragile en raison de facteurs conjoncturels qui continuent d’obéir aux contradictions du moment.
La paix sera toujours fragile tant que les acteurs internationaux et régionaux ne se seront pas mis d’accord sur une option consensuelle qui garantisse enfin le recouvrement pale peuple palestinien de ses droits nationaux légitimes à commencer par son droit à l’établissement d’un Etat indépendant, étant entendu que la soi-disant sécurité de l’Etat d’Israël (Un Etat doté de la bombe atomique et protégé par des puissances nucléaires) que les puissances occidentales agitent hypocritement pour justifier leur soutien inconditionnel à l’Etat colonialiste d’Israël ne se pose pas et ne s’est jamais réellement posée
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