Aux Canaries, la justice espagnole enquête sur quatre membres de l’organisation de sauvetage, Salvamento maritimo, soupçonnés de n’avoir pas porté secours à des exilés en détresse dans l’Atlantique en juin 2023. Au moins 36 migrants sont morts dans le naufrage de cette embarcation en route vers les Canaries.
Qui est responsable de la disparition d’une trentaine de migrants dans l’Atlantique en juin 2023 ? C’est pour répondre à cette question qu’un juge de Las Palmas, aux Canaries, a ouvert une enquête pour « omission de l’obligation de porter secours », indique le média local Canarias Ahora. Quatre personnes, membre de l’organisation de sauvetage espagnole, Salvamento maritimo, sont visées par la justice après une plainte de l’association d’aide aux migrants Caminando Fronteras.
Retour sur l’affaire. Le 20 juin 2023, les services de secours espagnols sont alertés par Caminando Fronteras d’une embarcation surchargée en détresse dans l’Atlantique. Ce jour-là, plusieurs canots sont en difficulté en mer. Vers 19h, un avion de sauvetage localise le bateau signalé par l’ONG, où s’entassent une soixantaine de migrants.
Selon l’équipage de l’avion qui communique avec le centre espagnol de coordination de sauvetage en mer (MRCC), l’embarcation ne semble présenter aucun problème et ses occupants paraissent en bonne santé. « Il n’y a personne dans l’eau, ils ne coulent pas, ni rien ? C’est exact ? », demande le MRCC au pilote qui répond par l’affirmative, d’après des enregistrements consultés par la radio espagnole Cadena Ser.
Mais une personne est pourtant dans l’eau. Sur une photo prise depuis l’avion que s’est procuré Canarias Ahora, on voit un homme dans la mer avec deux chambres à air autour de son corps, juste à côté du bateau surchargé. Dans le rapport de mission de Salvamento maritimo, cette image est tronquée : le migrant dans l’océan a disparu de la photo.
Un canot dans une SAR zone qui se chevauche entre l’Espagne et le Maroc
Le MRCC semble ne pas avoir eu connaissance de cette personne en détresse et ordonne à l’avion de revenir à Grande Canarie. Pendant de longues minutes, une discussion s’engage avec l’équipage pour savoir si l’embarcation se trouve dans les eaux espagnoles ou marocaines – ce qui définit la responsabilité du sauvetage.
Le canot se trouvait au large du Sahara occidental dans une SAR zone (zone de recherche et de sauvetage) qui se chevauche entre les Espagnols et les Marocains, précise encore Canarias Ahora.
Mais Madrid a préféré faire intervenir les autorités marocaines jugeant que le bateau était plus proche de leurs côtes. Une décision tragique car les Marocains ont mis 12 heures à se rendre sur la zone. Ils ont fait appel aux forces espagnoles pour leur venir en aide, après que le bateau a coulé.
Seule une jeune fille a pu être secourue par l’hélicoptère espagnol. Les Marocains, eux, ont récupéré deux corps et pris en charge 24 exilés. Au total, 34 migrants ont été portés disparus suite à ce naufrage.
Interrogé sur cette affaire par Canarias Ahora, Salvamento maritimo a déclaré que ces questions « font référence à une procédure judiciaire en cours, que nous respectons pleinement ». Cependant, « concernant le service aérien, il est important de souligner qu’il a pris des mesures immédiatement », sans détailler lesquelles.
La route migratoire des côtes ouest-africaines vers les Canaries a été réactivée ces dernières années à mesure que les contrôles se sont intensifiés plus au nord, en Méditerranée. Cette année, le nombre de migrants arrivés dans l’archipel espagnol a connu des records avec le débarquement de plus de 41 000 exilés depuis janvier – un chiffre jamais enregistré dans la région même lors de la crise des « cayucos » en 2006.
Dans le même temps, les drames s’enchaînent. En 2024, près de 1 000 personnes ont péri dans l’Atlantique en tentant de rejoindre les Canaries. Sans compter les « naufrages invisibles », ces canots qui disparaissent dans l’immensité de l’océan sans laisser de traces
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